RAÚL ILLARRAMENDI : « DRAWING FROM NATURE »
- Posted by Béatrice Cotte
- On 19 septembre 2013
- Artiste vénézuélien, Dessin, Galerie d'art, Paris, Peinture, solo show
Vite, vite, vite, allez-y vite ! l’exposition des œuvres de Raúl Illarramendi à la Galerie Karsten Greve dans le Marais ferme ses portes samedi soir…Je ne pouvais cependant pas ne pas vous en parler, tellement j’ai succombé à la poésie de ses peintures. J’avais déjà rencontré ce jeune artiste Vénézuélien mais je n’avais pas encore eu l’occasion de me « plonger » dans son œuvre, voilà chose faite.
Lauréat du prix de peinture Jean Chevalier à Lyon en 2012, et remarqué par la prestigieuse Galerie Karsten Greve, l’artiste se distingue par une technique originale, mêlant peinture et dessin et qu’il maîtrise de main de maître. La galerie lui offre sa première exposition personnelle, un véritable succès si l’on considère le nombre élevé de petites pastilles rouges apposées à la droite des œuvres !
Raúl Illarramendi, Drawing from Nature, Galerie Karsten Greve Paris |
Le travail de Raúl Illarramendi naît d’une réflexion sur les possibilités de la représentation par le dessin et ses limites. L’artiste entretient un rapport ambigu avec la peinture, où le statut du dessin est constamment mis en danger, notamment par les formats et les sujets qu’il choisit d’aborder. En présentant des travaux provenant de séries très différentes, Drawing from Nature permet au public de découvrir la démarche de cet artiste à travers des œuvres réalisées entre 2009 et 2013.
Raúl Illarramenditravaille sur le thème de la trace, l’observation des traces que chacun de nous laisse, dessine au quotidien dans notre univers urbain. Repérées sur les murs, les sols, les trottoirs, les portails et portières, ces traces sont photographiées, choisies pour leur composition et leur pouvoir évocateur. L’artiste accumule ainsi un répertoire d’images qui sert d’inspiration pour ses compositions. Ces signes se multiplient au quotidien, prolifèrent et se superposent sans arrêt ; toutefois, réalisés involontairement nous n’y faisons en règle générale pas attention, ils sont le plus souvent invisibles à nos yeux. Il s’agit de témoigner de ces gestes anodins, de les mettre en exergue et d’en laisser une trace dans le temps en créant une composition idéalisée. De ce fait, le travail de l’artiste s’inscrit dans une recherche à la fois abstraite et figurative. On peut parler d’une véritable fiction : ses dessins ne sont pas une transcription littérale des documents photographiques, mais une reconstitution des impressions laissées en lui par ces images.
La contemplation des peintures peut s’opérer en deux temps : de loin elles semblent abstraites, se déployant dans un univers monochrome ou dans une palette de dégradés subtils, doux, poudrés, laissant deviner des traces dessinées par un contraste de matière et de couleur. De près, on découvre la virtuosité du geste, du trait, de la technique complexe déployée par l’artiste pour la réalisation de chaque sujet et de chaque signe sur la toile.
Raúl Illarramendi, EA n°126, 2013
Crayon couleur et gouache sur toile sur bois , 140 x 100 x 3,2 cm
Courtesy Galerie Karsten Greve.
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Raúl Illarramendi, EA n°121, 2013
Crayon couleur et gouache sur toile sur bois, 199,5 x 160,5 x 3 cm,
Courtesy Galerie Karsten Greve
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Ces œuvres sont réalisées avec des crayons de couleur appliqués sur une toile préparée préalablement à la gouache, technique mixte qui rapproche le dessin à la peinture et vice versa. L’artiste conçoit ces œuvres comme des non-dessins : le travail est composé par des traces de gouaches mates, dessinées en réserve, qui surgissent des espaces non crayonnés, montrant ainsi le fond de la toile. À la différence de la gouache, qui est opaque, les crayons de couleurs gras et irisés laissent jouer, par transparence, les couleurs entre elles. Le contraste créé avec les réserves de gouache, fait ressortir les nuances, la luminosité et la subtilité des coloris. Ce procédé en réserve permet ainsi à l’artiste de décontextualiser les traces laissées par des actions plus ou moins civilisées et de les détacher, les isoler et les mettre au premier plan sur la toile.
Vue de la tranche de la toile EA n°126 qui montre la peinture à la gouache appliquée sur le fond de la toile |
Signature de l’artiste |
Le travail de Raúl Illarramendi convoque une ambivalence entre matière et non-matière. Il s’agit d’un équilibre entre terrestre et céleste qui rend les œuvres de Raúl Illarramendi particulièrement envoutantes : le visiteur est ainsi projeté dans un monde suspendu, où les couleurs se mêlent doucement, bercé par les nuances. Il s’agit en effet d’une œuvre éminemment graphique qui contient cependant des éléments picturaux très explicites : dans certaines réalisations l’artiste choisit des palettes inattendues, dans d’autres il opte plutôt pour des harmonies chromatiques.
Raúl Illarramendi, EA n°124, 2013
Crayon couleur et gouache sur toile sur bois, 140 x 100 x 3,2 cm
Courtesy Galerie Karsten Greve
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Détail |
J’ai tout particulièrement aimé les toiles « sculptures » qui donnent une troisième dimension tout a fait intéressante au sujet. La bande de toile tendue sur une bande de métal est ensuite travaillée par l’artiste en torsions et tensions pour lui donner son volume. La peinture et le crayon sont appliqués de façon à épouser les tensions subies par la lame métallique, créant une dynamique, une énergie qui donne au sujet tout son sens.
Raúl Illarramendi, EA S n°5, 2013
Crayon couleur et gouache sur toile sur aluminium, 153 x 18,8 x 5 cm Courtesy Galerie Karsten Greve. Crédit photo : Nicolas Brasseur. |
Raúl Illarramendi, EA S n°4, 2013
Crayon couleur et gouache sur toile sur aluminium
45 x 35 x 8,5 cm
Courtesy Galerie Karsten Greve
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L’exposition présente également une série plus ancienne, réalisée au crayon graphite sur papier. DFN, abréviation de Drawing From Nature, est une série de quatre dessins où figurent la montagne Sainte Victoire, célèbre leitmotiv dans la peinture de Paul Cézanne, et un ensemble de six dessins montrant la Fontaine de Marcel Duchamp, abordée par des différentes points de vue et traversée par l’informe.
Dans ces travaux la réflexion sur le potentiel et les limites du dessin atteint son sommet : la frontière entre figure et matière, entre le réel et sa reproduction est remise en cause. Le dessin n’est plus au service de la forme : la silhouette impose le contour au dessin, qui se développe de manière libre et fluide, presque liquide à l’intérieur. Magnétisé par les contrastes entre le blanc du papier et le noir du graphite et hypnotisé par les mouvements évoqués par le dessin, le spectateur s’échappe du présent.
Portrait de raul Illarramendi |
Né en 1982 à Caracas, Venezuela, Raúl Illarramendi commence sa formation artistique en 1998 en tant qu’assistant du peintre Felix Pedromo. Il devient ensuite membre du Circulo de Dibujo du Musée d’Art Contemporain de Caracas Sofia Imber, Il réalise des études en Arts Plastiques et Histoire de l’Art à la University of Southern Indiana d’Evansville aux États Unis. Il remporte plusieurs prix d’art aux Etats-Unis et en France dont le plus récent, le prix de peinture Jean Chevalier à Lyon, a été obtenu en 2012. Il vit et travaille à Méru, France.
A découvrir jusqu’au 21 septembre 2013, du lundi au samedi de 10h à 19h, Galerie Karsten Greve, 5, rue Debelleyme, 75003, Paris.
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