Biennale de Venise 2015-Partie I – Les Giardini
- Posted by Béatrice Cotte
- On 19 mai 2015
- 2015, art artcontemporain, biennale, Biennale de Venise, Giardini
Fondée en 1895, la Biennale de Venise fête ses 120 ans d’existence. Cette « institution » réunit pour sa 56ème exposition internationale d’art pas moins de 89 pays. 30 exposent dans les pavillons historiques des les Giardini, 23 dans les magnifiques bâtiments réhabilités de l’Arsenale et les autres dans des palais ou monuments répartis à travers la ville ou sur des îles alentours. Ainsi, le Pavillon de L’Arménie, heureux vainqueur du Lion d’or de cette édition, occupe le Monastère Mechitarista sur l’île de San Lazzaro degli Armeni. Comptez quelques 44 événements collatéraux également disséminés à travers la ville et il vous faudra une bonne semaine et demi, à minima, pour tout voir ! Sachant que je ne disposais que de 4 jours, il a fallut faire des choix…Cependant, cela donne déjà un bon aperçu de l’événement et permet de se faire une idée générale de sa qualité globale. J’apprécie les démarches artistiques qui provoquent à la fois une émotion visuelle/sensorielle et engendrent une réflexion, font passer de façon esthétique un message. Si on se place de ce point de vue les propositions sont finalement peu nombreuses au regard du nombres d’œuvres exposées. En partant de cette sensibilité artistique, qui, j’en suis bien consciente, ne donne qu’un point d’observation parmi de nombreux autres possibles de la création contemporaine, voici ma sélection pour cette 56èmeexposition internationale d’art de Venise :
Pavillon du Japon
Personnellement, j’aurai attribué le Lion d’or de cette biennale, pour les Giadini au Pavillon du Japon et à l’œuvre « The Key in the Hand » de Chiharu Shiota. Dans la pièce principale du pavillon, l’artiste a disposé au sol deux barques vénitiennes, patinées par le temps, disposées comme deux mains, recevant des milliers de clés suspendues à une toile arachnéennes de fils rouges. Dans notre vie quotidienne, les clés protègent nos biens de valeur, comme notre maison, notre voiture, mais aussi parfois nos secrets. Ces clés qui passent de mains en mains au fil du temps, se chargent de notre mémoire, de notre histoire, elles symbolisent ici notre mémoire collective. Les deux bateaux reçoivent ainsi une pluie de « mémoires » individuelles devenues grâce à cette installation une mémoire « collective » qu’ils convoient vers le futur, afin d’apporter les clés de nouveaux mondes, de nouvelles voies de communications. Cette installation pleine de poésie, dans laquelle on pénètre véritablement, nous impose une traversée « vibrante » entre passé et futur et nous suggère d’ouvrir de nouvelles portes afin de mieux nous comprendre. Sublime, Un must !
Biennale de Venise 2015 – Pavillon du Japon – Chiharu Shiota – « The Key in the hand »
Pavillon de la Corée
Juste à côté du pavillon japonais, se trouve le pavillon coréen, ou les trois panneaux vidéo « The ways of Folding Space & Flying » du duo Moon Kyungwon et Jeon Joonho, vous immergent dans une vision futuriste de la civilisation humaine, tout en revisitant l’histoire. Un voyage entre passé et futur esthétiquement hypnotisant, qui explore avec subtilité notre désir humain de surpasser l’aspect physique des choses pour atteindre un état purement mental ou rêve et imagination sont alors pleinement au rendez-vous.
Biennale de Venise 2015 – Pavillon de la Corée – Moon Kyungwon et Jeon Joonho – « The ways of folding Space & Flying »
Pavillon de la France
A l’extérieur, se promènent deux majestueux pins sylvestres. En pénétrant dans le pavillon, un troisième, seul sous la verrière, « marche » lentement en majesté ! Céleste Boursier-Mougenot propose une étonnante et poétique chorégraphie d’arbres mobiles. Les trois arbres, perchés sur leur motte de terre motorisée, se déplacent pianissimoen fonction de leur métabolisme, des variations du flux de leur sève, de leur sensibilité au passage de l’ombre et de la lumière. Une véritable invitation à l’émerveillement, au rêve et à la réflexion. Le projet « rêvolutions » produit des connections inédites entre des éléments naturels et technologiques et expérimente pour notre plus grand bonheur des relations insoupçonnées entre nature et culture. Un seul regret, que ces arbres ne soient pas plus nombreux et qu’ils ne se soient pas également « émancipés » dans la ville…
Biennale de Venise 2015 – Pavillon de la France – Céleste Boursier- Mougenot – « Rêvolutions » |
Biennale de Venise 2015 – Pavillon de l’Australie – Fiona Hall – « Wrong Way Time »
Pavillon Australien
Le cabinet de curiosité de Fiona Hall « Wrong Way Time » est touchant. Immergé dans le noir, les centaines d’objets ordinaires, rassemblés autour de thématiques comme la politique, la finance et l’environnement, sautent aux yeux, comme autant de champs de mine…En entrant à droite, l’artiste a fait réaliser par des femmes aborigènes des animaux disparus ou en voie de disparition. Ces petites sculptures artisanales, rassemblées en une sorte de mausolée muséal évoquent la cruelle réalité de notre monde contemporain. Chaque objet est minutieusement scénarisé, pour servir la narration du message que l’artiste souhaite nous faire passer. Les mutations climatiques, la globalisation, la perte de certaines identités culturelles sont ainsi au centre des préoccupations de Fiona Hall. Ce pavillon sonne comme un appel d’urgence d’une prise de conscience collective.
Biennale de Venise 2015 – Pavillon de l’Australie – Fiona Hall – « Wrong Way Time »
Biennale de Venise 2015 – Pavillon de la Serbie – Ivan Grubanov – « United Dead Nations »
Les autres pavillons
Voici les cinq pavillons qui m’ont fait la plus forte impression, et dans lesquels j’ai passé le plus de temps, mais j’ai également aimé aux Giardini :
– le Pavillons de la Suisse des Giardini pour « Our Product », de Pamela Rosenkranz’s, et son bassin rose pâle. Visible à hauteur d’homme, la couleur de l’eau évoque la couleur de la peau. Largement utilisée aujourd’hui dans les publicités pour capter l’attention du public, cette couleur chair fait écho aux représentations de l’ « incarnat » à l’époque de la Renaissance. Les odeurs et les sons imprègnent l’exposition. Un bruit d’eau artificiel se propage tandis qu’un parfum évoquant une peau de bébé se répand dans l’atmosphère. Cette installation qui fait appel à tous les sens peut-être comparée à l’effet placebo. Pamela Rosenkranz’s dans son travail aime questionner l’influence des produits chimiques, ou des virus présents dans notre corps, sur nos émotions, notre psychisme et notre métabolisme.
En revanche, j’ai trouvé vraiment dépourvu d’intérêt le Pavillon anglais et la proposition de Sarah Lucas. Franchement, j’ai bien essayé, en lisant les explications de l’artiste, de comprendre l’intérêt de la cigarette placée dans tous les orifices féminins, mais elle n’a pas réussi à me convaincre. Sous prétexte de chercher à être irrévérencieuse, elle en devient, de mon point de vue, irritante au possible, dommage!
Exposition « All the World’s Futures » dans le pavillon central aux Giardini :
Biennale de Venise – Pavillon central – Giardini – entrée de l’exposition « All the World’s Futures » – Oeuvre de Murillo en façade.
On remarquera une forte présence dans l’exposition du continent africain, avec pas moins de 35 artistes invités.
Et c’est justement aux Giardini, les œuvres de d’artistes noirs qui m’ont le plus touchées. Celles de la Kenyane Wangechi Mutu, une vidéo sublime et une sculpture, les peintures portraits de l’artiste noir américain Kerry James Marshall qui interrogent l’identité africano-américaine et les délicats tableaux collages d’Ellen Gallagherqui évoquent l’histoire et les mythes des migrants et esclaves noirs dans les Caraïbes.
Biennale de Venise – Pavillon central – Giardini – oeuvres de Wangechi Mutu
Je retiendrai également la poignante vidéo, « Vertigo Sea » de John Akomfrah, comme un moment fort du parcours de l’exposition « All the World’s Futures ». La mer devient une métaphore pour changer les conceptions d’identité et la conscience émotionnelle, illustrée par des paysages marins stupéfiants ou des images documentaires des actions destructives de l’humanité.
LA BIENALE DI VENEZIA – Les Giardini
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