ART PARIS ART FAIR : « Pit stop » en Corée avec Min Young Lee
- Posted by Béatrice Cotte
- On 8 avril 2016
- Foire Art contemporain, Paris
Cette année, dans le cadre de l’année France-Corée, l’invité d’honneur de la foire était tout naturellement le pays du Matin calme.
La Corée à l’honneur sur Art Paris Art Fair constitue le dernier volet d’une exploration des scènes artistiques asiatiques. Confiée à la commissaire d’expositions Sang-A Chun, cette invitation, avec près de 80 artistes coréens exposés et de nombreux évènements annexes, soulignait la richesse de cette scène artistique, depuis les années 1960 jusqu’à l’effervescence artistique actuelle.
Ce focus sur la scène coréenne était l’occasion, pour cette édition 2016 de la foire, de faire sur Follow Art With Me un « Pit stop » en Corée. Accompagnée par mon amie Min Young Lee (Galerie Art’Loft, Bruxelles), j’ai pu profiter de ses solides connaissances en la matière et de sa parfaite maîtrise de la langue pour approfondir le sujet lors de ma visite de la foire.
Certes, les principales « stars » de ce marché n’étaient pas ou peu représentées, comme Nam June Paik ou Lee Ufan, mais qu’importe, cela laissait justement la place à d’autres plasticiens tout aussi intéressants. Une absence qui permettait ainsi de s’aventurer hors des sentiers battus…
PETITE SELECTION :
A l’entrée de la foire la tonalité était tout de suite donnée par le spacieux et très beau stand de la Galerie RX, qui présentait pour l’occasion le travail de trois artistes coréens. Les très grandes photographies des arbres sacrés de Corée « Sonamu » de Bae Bien-U dialoguaient merveilleusement avec l’univers pictural subtil et abstrait de Lee Bae. Dans cet espace dominé par le noir et le blanc, les imposantes sculptures d’homme debout de Chung Hyun, placées à l’entrée du stand, apportaient quand à elle une touche d’humanité « monumentale ».
A quelques mètres de là, dans la grande allée qui mène vers le Salon d’honneur du Grand Palais, on pouvait admirer sur le stand de la Sundaram Tagore Gallery les oeuvres hyper réalistes et entièrement réalisées en 3D de l’artiste Kim Joon. Né en 1966 à Séoul, cet artiste, reconnu sur la scène internationale, crée des compositions qui semblent être des photographies mais qui sont en réalité des réalisations 100% digitales. L’artiste explore les thématiques du corps, du désir, de la mémoire et de la jeunesse. Ses représentations juxtaposent des morceaux de corps nus tatoués, ou de porcelaines cassées et mélangent ainsi les traditions anciennes de la civilisation coréenne avec les nouvelles technologies qui forment l’identité actuelle et contrastée de la Corée du Sud.
Autre grand artiste coréen présenté par Sundaram Tagore Gallery, Chun Kwang Young. Né en 1944, cet artiste a développé en cinquante ans de carrière un langage artistique tout à fait particulier et singulier. L’artiste crée des paysages lunaires ou « mentaux », qu’il nomme agrégations, en juxtaposant, la plupart du temps, des petits triangles emballés dans du papier de mûrier, traditionnellement utilisé pour conditionner les médicaments. Composant ainsi des toiles aux couleurs, reliefs et volumes différents, les formes s’accumulent méthodiquement sur la surface de l’oeuvre et placent une idée à côté d’une autre. La répétition du geste et la saturation, sont des techniques artistiques utilisées par nombre d’artistes coréens dans la quête d’un état « méditatif » ou de « contemplation ».
Le succès de CHUN KWANG YOUNG se traduisait sur la foire par le nombre important de ses oeuvres présentées sur différents stands (Galeries Park Ryu Sook, Kalman Maklary fine Arts, Omer Tiroche Contemporary Art…). Certainement l’artiste coréen le plus exposé sur Art Paris Art Fair 2016!
313 ART PROJECT est la première galerie coréenne que nous avons croisée sur notre parcours. Située en plein centre du quartier de l’art et de la mode de Séoul, elle a ouvert ses portes en 2010 et rencontre depuis un grand succès. Spécialisée dans la promotion d’artistes émergents coréens, mondialement distingués, elle présentait sur Art Paris notamment Kiwon Park (né en 1964), l’auteur de l’installation « flash wall » placée en haut des marches de la façade du Grand Palais. Ce mur, réalisé en laine de fer dans laquelle des boules jaunes, bleues, rouges, noires et blanches (les cinq couleurs traditionnelles de la Corée), symbolise à la fois la frontière entre la Corée du Nord et du Sud, mais aussi l’espoir de l’ouverture grâce à ses portes qui laissent la possibilité de traverser le mur. Chaque visiteur était d’ailleurs invité à y accrocher un message d’unité et de paix, ce que n’a pas manqué de faire Le Président Hollande, lors de sa visite le soir du vernissage. Malheureusement, la force du message de Kiwon Park était paradoxalement « ébranlée » par un système de sécurité renforcé aux portes du Grand Palais. Un mur/frontière au final « barricadé », qui laissait vraiment une toute petite porte de sortie pour l’espoir d’un avenir « in Peace »…
Heureusement sur le même stand l’oeuvre de SEONGHI BAHK (né en 1966) nous ramenait à plus de « légèreté ».
Seonghi Bahk crée ses installations à partir d’un minutieux assemblage de morceaux de charbon suspendus à l’aide d’fil de nylon transparent. Ses oeuvres semblent ainsi en état d’apesanteur. L’utilisation d’un matériel spécifique comme le charbon symbole de temps éternel et d’énergie n’est pas anodin, le charbon est un élément symbolique bien ancré dans la tradition de son pays d’origine, où il est notamment utilisé dans des rituels de purification. Très souvent utilisé dans leurs oeuvres par les artistes coréens, il est un élément profondément symbolique du cercle de la vie et de la connexion entre le devenir, l’être et la décadence. “Cette matière noire” nous renvoie à un thème classique de l’histoire de l’art occidental, celui des vanités.
L’artiste était également représenté sur la foire par la galerie Paris Beijing et la galerie Andres Thalmann.
La galerie Paris Beijing présentait aussi une belle sélection d’artistes coréens dont la photographe Won Seoung Won (née en 1972), considérée comme une étoile montante du pays du matin calme.
Maria Lund, un peu excentrée malheureusement de ce secteur « Corée », proposait également un stand 100% coréens avec deux artistes Lee Jin Woo et Min Jung-Yeon, auteurs de paysages de contemplation très différents graphiquement mais tout aussi raffinés et forts.
Enfin, dans le secteur consacré à la Corée, qui regroupait six galeries venues spécialement pour l’occasion, on pouvait souligner la présence des deux plus « anciennes » galeries d’art contemporain ouvertes à Séoul en 1983, Gana Art et Park Ryu Sook Gallery. Sur le stand de cette dernière on pouvait admirer une belle pièce du maître du courant historique Dansaekhwa Park Seo-Bo (1931-). L’artiste, qui a influencé toute une génération, utilise le papier traditionnel sur lequel il intervient avec une gestuelle simple et répétitive qui donne un rythme quasi « dramatique » à la composition.
Parmi les galeries plus récemment installées, j’ai tout spécialement retenu le stand de la Soso Gallery et le travail de peinture de In Kyum Kim (né en 1945), qui révèle une maîtrise grandiose et appelle avec une superposition de couches « diaphanes » à l’exploration de la peinture mentale.
La recherche de la pureté et de l’essence même du geste artistique, d’une certaine simplicité, la délicatesse, la subtilité, l’élégance des oeuvres produites caractérisent en règle générale cette scène artistique coréenne.
Pour conclure sur une note raffinée, je donnerai un coup de projecteur au stand de ART’LOFT, jeune galerie bruxelloise fondée en 2012 par Min Young Lee, curateur coréenne, et Gil Bauwens. Lee-Bauwens Gallery représente en Europe bon nombre d’artistes coréens importants sur la scène internationale comme Chun Kwang Young, Sungfeel Yun, Namgoong Whan, Kim Joon, Moon Pil Shim, Kim ku Lim.
Une fois encore, alors que l’espace du stand était restreint, la subtilité des oeuvres présentées donnait à voir une scénographie toute en simplicité et élégance. Un véritable bonheur pour les yeux, une pose « zen » parmi des propositions de stands parfois beaucoup moins inspirées qui parasitaient la visite d’ Art Paris Art Fair.
ART PARIS ART FAIR
GRAND PALAIS
31 MARS – 3 AVRIL 2016
SITES DES GALERIES CITEES :
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