DRAWING NOW PARIS 2015 : Entretien avec Philippe Piguet directeur artistique du salon

  • Posted by Béatrice Cotte
  • On 27 mars 2015
  • 2015, Dessin, Drawing now, Foire Art contemporain, Paris

Critique d’art et commissaire d’expositions indépendant, directeur artistique de Drawing Now Paris, le Salon du dessin contemporainet chargé de la programmation de la Chapelle de la Visitation de Thonon-les-Bains (74), Philippe Piguet est né en 1946. Il collabore régulièrement aux revues L’œil, depuis 1985, et art absolument depuis 2002. Auteur de nombreux textes de catalogues, il enseigne l’histoire de l’art à l’ICART – Institut supérieur des carrières artistiques – depuis 1986 et développe une importante activité de conférences.

Depuis quand occupez-vous la fonction de directeur artistique de Drawing Now, Le Salon du Dessin Contemporain ?
J’ai été nommé directeur artistique de cet événement en 2010, au moment où le salon prenait place pour la première fois au Carrousel du Louvre et où il adoptait son nom actuel : Drawing Now, Le Salon du Dessin Contemporain. J’entame ainsi cette année ma sixième expression, en tant que directeur artistique, ayant été auparavant pour les deux éditions de 2008 et 2009, membre du comité de sélection des galeries. Premièrement, il est de constituer le comité de sélection, qui doit-être indépendant, international et composé de personnalités du monde l’art, reconnues pour leurs compétences dans le domaine du dessin contemporain.



Comité de Sélection du salon Drawing Now Paris 2015 présidé par Philippe Piguet

Cette année, j’ai réuni six membres pour ce comité : quatre déjà présents sur les précédentes éditions, Colette Barbier, Directrice de la Fondation d’entreprise Ricard, Aude Cartier, Directrice du centre d’art contemporain La Maison des arts de Malakoff, Marc Donnadieu, Conservateur en charge de l’art contemporain au LaM, Lille Métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut,Sébastien Peyret, collectionneur, et deux nouveaux membres qui participent pour la première fois : Elsy Lahner, Curateur art contemporain au Musée Albertina à Vienne, Andreas Schalhorn, Conservateur d’art moderne et contemporain à Berlin au Kupferstichkabinett – Musée des Arts graphiques des Staatliche Museen zu Berlin. Vous faites parti de ce comité de sélection des galeries ? Oui, je le préside et j’ai une voix qui compte double si il faut arbitrer, mais je crois que cela ne s’est jamais trouvé ! La sélection des galeries se fait au vote, en toute transparence et convivialité. Au fil du temps, le travail est de plus en plus conséquent car nous avons de plus en plus de dossiers de candidatures à étudier.

Combien recevez-vous de dossiers ?
Environ 150 dossiers et nous en avons sélectionnés 73 pour l’édition 2015. Depuis l’année dernière le salon s’est installé dans le magnifique bâtiment rénové du Carreau du Temple. En 2014, il prenait place également, pour le secteur dédié aux galeries émergentes, à l’Espace Commines. Cette année nous avons décidé de ne plus diviser le salon sur deux espaces distincts et de nous restreindre à l’espace du Carreau du Temple pour plus de cohérence. Cela a impliqué de resserrer notre choix de galeries, mais ce n’est pas pour nous déplaire, car cette contrainte nous permet de nous centrer encore plus sur la qualité, et au bout du compte de constituer tout un réservoir d’exposants potentiels fidèles qui n’ont pas nécessairement à revenir tous les ans. On préfère que les exposants reviennent un an sur deux, voir sur trois, avec un vrai projet et de nouvelles propositions. Cela nous permet de faire une rotation des exposants et de tirer vers le haut en permanence l’événement.

Stand de la Galerie Mitterand, Solo Show de Chourouk Hriech

Le comité de sélection se réunit sous votre présidence combien de fois pour sélectionner les exposants de chaque édition ? Il se réunit une première fois début octobre puis potentiellement une deuxième fois, si nous arrivons à faire concorder nos agendas, sinon nous travaillons en étroite collaboration par mails et par téléphones. Quels sont les critères de sélection des galeries ? Un premier critère temporel est de ne prendre en compte que des propositions d’expositions d’oeuvres qui ont au maximum trente ans d’âge. Si d’aventure une galerie nous propose une exposition absolument fantastique d’un artiste âgé dont ils ont réuni un ensemble de pièces qualitatives des années 1960 par exemple, bien évidemment on va pas dire non ! ça s’est trouvé l’an dernier avec une galerie italienne qui avait un ensemble d’œuvres d’Alighiero Boetti. J’ai encouragé la sélection de cette galerie, car cet artiste a encore trente ans d’avance, même si il est malheureusement décédé. Dans ce cas, on ne peut pas laisser passer ce genre de proposition. Je ne dirai pas la même chose, si d’aventure se présentait l’occasion d’un stand avec un solo show de dessins de Joseph Beuys, ça serait certainement des œuvres d’une période plus ancienne, et là nous ne serions plus dans notre rôle de salon d’art contemporain. Donc pour résumer, le comité de sélection s’en tient à cette ligne d’œuvres d’une trentaine d’années d’âge et occasionnellement, selon les propositions, nous faisons ou non des exceptions.

Stand de la Galerie GP & N Vallois, Solo Show de Pierre Seinturier
Le deuxième critère est qualitatif. La qualité d’une proposition est évidemment subjective, mais lorsque le comité de sélection se trouve unanime sur le dossier d’une galerie, nous considérons qu’il y a dans ce cas forcément une proposition de qualité.
Le troisième critère obligatoire pour les exposants est de consacrer un focus sur un artiste et d’y consacrer au moins un tiers de la surface d’exposition de leur stand. Nous sommes également ravis lorsque les galeries nous proposent des solos shows.

Jean Bedez, Constellation de la vierge, 2015. Dessin à la mine de graphite, papier 224 g/m2, 150 x 100 cm,
Courtesy Galerie Suzanne Tarasieve

l’artiste Jean Bedez en train d’expliquer ses dessins à deux confrères sur le stand de la Galerie Suzanne Tarasieve
Le quatrième critère est la notion d’unicité de l’objet. Nous n’acceptons pas les éditions multiples. En revanche, la notion de dessin est totalement ouverte. Un dessin peut-être en relief comme ceux de Cathryn Boch, lauréate du prix Drawing Now 2014, ou un dessin peut-être vidéographique comme ceux de William Kentridge. Le dessin ne se borne pas aujourd’hui à la feuille de papier et Drawing Now Paris, le Salon du dessin contemporain, c’est le dessin dans tous ses états. Dans leurs dossiers les galeries vous présentent toutes les œuvres qu’elles vont exposer ? Tout à fait, elles présentent l’artiste en focus, les autres artistes qu’ils comptent exposer et nous donnent un dossier iconographique complet. On juge sur les reproductions des oeuvres. Ainsi, on sait exactement ce que nous allons trouver sur chaque stand.

Pouvez-vous nous citer quelques nouvelles galeries qui font leur entrée ?
Cette année, je suis très content, car on a des retours de galeries confirmées comme Loevenbruck et GP & N Vallois, l’entrée de la galerie Mitterrand aussi avec un intéressant solo show de l’artiste marocaine Chourouk Hriech. Leur nouvelle participation au salon, est due certainement à son installation dans le très bel espace du Carreau du Temple et à son gain grandissant de notoriété. On a également un nouveau bataillon de nouvelles galeries très dynamiques comme Cortex Athletico, Backslash, Derouillon…

Stand de la Galerie Cortex Athletico

 
 
Selon vous, quelle image véhicule ce salon aujourd’hui ?
 
Drawing Now Paris, le Salon du dessin contemporain est une jeune foire, nous fêterons nos dix ans l’an prochain. Je crois que l’équipe dirigeante a réussi à imposer l’événement comme un événement singulier, de qualité, recherché, convivial. Nous tenons à la convivialité qui existe sur ce salon. C’est une opération lourde à mettre en place, mais elle est heureuse à faire. Les gens sentent que ce salon est un salon à part, qu’il a une âme et cela est en partie certainement dû à la qualité intimiste du médium à savoir le dessin, mais aussi à la convivialité que nous nous attachons à lui donner.
 
–       Vous avez aussi, en tant que directeur artistique de Drawing Now, la mission de proposer une exposition culturelle au sein d’une foire commerciale. Pouvez-vous nous présenter votre projet cette année ?
 
Cette année de manière totalement consensuelle et immédiatement réactive au lendemain des événements de janvier dernier, nous avons abandonné le projet initialement prévu pour rebondir sur l’idée du dessin engagé et l’engagement dans l’art contemporain via ce médium. En tant que commissaire de l’exposition, j’ai tout de suite vu le potentiel de cette thématique. La contrainte principale était le temps extrêmement court qu’il me restait pour monter cette exposition finalement intitulée Le dessin engagé dans les collections privés et publiques.
 
Salon Drawing Now 2015, vue de l’exposition culturelle : Le dessin engagé,  curatée par Philippe Piguet 
 
J’ai commencé, de fait, par choisir trois artistes représentés par des galeries exposantes, Ernest Pignon-Ernest et Barthelemy Toguo, Yevgeni Fiks, qui répondaient à ces critères du dessin engagé. Ensuite j’ai élargi mes recherches au delà du salon et je suis allé chercher Erro, pour moi ça présence comme artiste engagé dans cette exposition était une évidence. J’ai réuni également neuf portraits de personnalités engagées, par  Yann Toma, dessinateur observateur officiel de L’ONU. A la manière d’un chroniqueur judiciaire, Yann Toma est invité à toutes les Assemblées Générales de l’ONU, où il observe et croque les interventions des dirigeants de la planète et leur engagement à défendre différentes causes. Ses portraits sont les témoins de cet engagement international. Le Musée Tomi Ungerer-centre international de Strasbourg, nous a prêté quand à lui pour cette exposition, quatre dessins de la guerre du Vietnam de 1967, de Tomi Ungerer, grande figure du dessin politique et de l’illustration. Ces dessins nous renvoient dans l’histoire et nous rappelle que cette histoire de l’engagement en art ne date pas d’aujourd’hui !
Enfin, le street artiste Levalet (Charles Leval) s’engage lui aussi sur le salon en réalisant spécialement pour l’exposition deux œuvres « in situ ».
 
Dessin du 7 janvier 2015 de Jacques Villeglé en hommage à Honoré
 
 
Cerise sur le gâteau, à quelques jours de l’ouverture du salon j’ai appris que Jacques Villegléavait réalisé un dessin « à chaud » le 7 janvier dernier pour rendre hommage à son ami Honoré. Le connaissant de longue date, il a accepté de me confier cette œuvre afin que je puisse l’intégrer « in extremis » à l’exposition et ainsi réussir la quadrature du cercle!
 
–       Il n’y a pas d’artistes femmes dans cette exposition ?
 
Ah, c’est mon drame ! Non il n’y a pas de femmes et j’en suis le premier malheureux. Je souhaitais intégrer à l’exposition une œuvre graphique de  Mona Hatoum. Je suis allé sonner à beaucoup de portes mais je n’ai pas réussi à obtenir, dans le mois et demi qu’il me restait pour monter cette exposition,  une œuvre graphique de cette artiste.
 
 
–       En tant que directeur artistique vous êtes également en charge des DRAWING INTERVIEW et du PRIX DRAWING NOW, je crois?
 
Oui, j’anime des débats et quatre rencontres avec des artistes. Cette année, j’ai placé ces rencontres également sous le signe du dessin engagé. Je vais donc logiquement interviewer Ernest Pignon-Ernest que j’ai sélectionné pour l’exposition, puis deux artistes engagés sur la cause écologique, Lucy & Jorge Orta,  Alain Declercq, pour le travail qu’il fait sur la vidéo surveillance et enfin  Nazanin Pouyandeh, artiste iranienne exilée, dont le père a été assassiné par le pouvoir politique, et que je vais interroger sur la thématique de la liberté d’expression.
 
Nazanin Pouyandeh, Sans titre technique mixte sur papier 64 x 43” / 2014,
courtesy Galerie Sator
 
 
Le Prix Drawing Now est remis traditionnellement le soir du vernissage à un artiste de moins de cinquante ans présenté en focus sur le salon. Ce sont les membres du comité de sélection, accompagné de notre mécène Jean Papahn, président de Soferim et de Brett Littman, directeur exécutif du Darwing Center de New York qui sélectionnent les artistes le mardi après-midi sur place.  Nous délibérons et votons lors d’une réunion organisée ensuite en fin d’après-midi.
 
Abdelkader Benchemma, lauréat du Prix Drawing Now Paris 2015
 
 
Cette année, le Prix Drawing Now a été remis à Abdelkader Benchemma, présenté en focus sur le stand de FL GALLERY.
 
Oeuvre papier  d’Abdelkader Benchamma
 
 
Merci à Philippe Piguet qui m’a accordé cet entretien quelques jours avant le début du salon, alors que son agenda était bien rempli !
 
DRAWING NOW PARIS 9ème édition du mardi 24 au dimanche 29 mars 2015 au Carreau du Temple, 4 rue eugène spuller, 75003 PARIS. 
 
 
NB : une galerie de photographies du salon est disponible sur la page facebook de Follow Art With Me

 
About Béatrice Cotte

Fondatrice et Rédactrice en chef Diplômée d'une maîtrise en Histoire de l'art (Panthéon Sorbonne - Paris IV) et d'un Mastère en Management de l'édition (ESCP), elle commence sa carrière dans l'édition de livres d'art (Ville de Lyon et Imprimerie Nationale). Après une expérience en marketing dans le domaine du Luxe (LVMH et LANCASTER) et la création de deux marques textiles (Une Fée, Un Ange et Magic Stroller Bag), elle revient à ses premiers amours, l'art, et fonde en 2012 le site Follow Art With Me, transformé en 2016 en Follow Art With Us. En 2016, Béatrice est membre du Jury du Prix des Amis du Palais de Tokyo. En 2017 elle fonde l'association FAWU et la Bourse FAWU ABROAD.

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