ART GENEVE 2016 : visite en compagnie de l’Art Advisor Laurence Dreyfus
- Posted by Béatrice Cotte
- On 1 février 2016
- foire art contemporain Genève
La 5ème édition du Salon Art Genève s’est tenue la semaine dernière à Palexpo. A cette occasion je me suis rendue en Suisse pour suivre durant 24h la conseillère en art et commissaire d’exposition Laurence Dreyfus, une habituée de la scène genevoise et de l’événement.
Basée à Paris, elle se rend très régulièrement à Genève pour conseiller de nombreux clients et diriger le commissariat d’expositions notamment à l’Espace Muraille. C’est dans ce nouveau lieu privé récemment rénové, qui accueille des expositions d’artistes contemporains de renommée internationale, que j’ai retrouvé Laurence Dreyfus. Actuellement, elle y dévoile le travail de l’artiste argentin Tomas Saraceno, Aerocene, qui investit remarquablement l’espace avec une très belle proposition à la fois aérienne et onirique (voir l’article consacré à cette exposition dans la rubrique INSIGHT du site).
Passionnée par le travail de cet artiste, qu’elle soutient depuis dix ans déjà, Laurence me guide à travers l’exposition, puis m’accompagne au premier étage du bâtiment dans un appartement privé du XVIIIème siècle, exceptionnellement ouvert au public, pour découvrir une autre exposition tout aussi poétique Farandoulo de Sheila Hicks.
Ce petit tour de l’Espace Muraille terminé, nous nous rendons ensuite au dîner de « gala » d’Art Genève, invitées par un couple de collectionneurs renommés, clients et amis de longue date de Laurence Dreyfus. L’occasion de découvrir le salon dans des conditions privilégiées.
Le directeur d’Art Genève, Thomas Hug, insiste dans son discours d’accueil sur le fait que l’ événement n’est pas une foire mais bien un salon, une identité bien définie qu’il souhaite donner à Art Genève afin de bien se différencier de ses concurrents européens. Cette tonalité plus « intimiste », se ressent immédiatement par la taille donnée à l’événement. Seulement 80 galeries d’art moderne, d’art contemporain et de design de 14 pays différents, participent à cette édition.
Dans cette atmosphère un tantinet « cosy » et « confidentielle », accompagner Laurence Dreyfus dans les allées d’art Genève, c’est profiter d’une approche exceptionnelle du monde de l’art, d’un œil avisé et sélectif. Au fil de notre visite, Laurence me livre ses impressions sur Art Genève et ses coups de cœur.
Ce salon à taille résolument humaine, s’impose comme un événement aux propositions plutôt « classiques » et de bon niveau. Pas de prises de risques de la part des galeries qui présentent dans l’ensemble des artistes établis et connus des collectionneurs.
Laurence Dreyfus me confie que cette année les galeries d’art moderne sortent du lot comme les galeries Mayoral ou Catherine Duret qui présentent des stands de grande qualité, avec une belle sélection d’œuvres. Chez cette dernière, elle fait notamment l’acquisition d’une édition de Richard Serra.
Concernant l’art contemporain, elle retient le stand de la Galerie Tucci Russo, avec une œuvre remarquable de Giuseppe Penone et une série de photographies de Robin Rhode, artiste sud africain qu’elle conseille régulièrement à ses clients. La galerie présentait également une œuvre de Richard Long, mais Laurence préférera celle présentée sur le stand voisin de Konrad Fischer, graphiquement plus forte à son sens.
Chez Peter Kilchmann, elle repère une œuvre récente de David Renggli, mêlant formes géométriques et couleurs sur la transparence d’une toile de coco tissée, où acrylique, sérigraphie et peinture sur bois se jouent de notre œil, des profondeurs et des plans et attirent notre main pour caresser cette œuvre à l’aspect finalement très tactile. Mais l’œuvre qui retient vraiment toute son attention est la sculpture « déliquescente » de deux tambours cubains de Los Carpinteros. Une métaphore politique visuellement intéressante, qui évoque sans équivoque la situation de la culture cubaine.
Chez Gagosian, au détour d’une cimaise on s’arrête sur une petite pépite, véritable polychromie de tôles peintes, de feu l’artiste américain John chamberlain. Chez Peres Projects, Laurence Dreyfus remarque le travail de Donna Huanca, artiste américaine récemment exposée chez Valentin à Paris.
Quelques stands plus loin, chez Blondeau & Cie, son œil « photographie » La Carpe d’or de Louise Lawler. le travail photographique de cette artiste américaine décrypte le monde de l’art en mettant en lumière les opérations quotidiennes de circulation et de présentation des œuvres.
A deux pas, sur le stand de la galerie Blain Southern le « pouvoir textile » de l’œuvre de Abdoulaye Konaté, né en 1953 au mali, accroche notre regard par la vivacité de ses coloris et la force de sa composition. Abordant la tapisserie et ses différents modes de confection comme le modus operandi de sa création, cette grande figure des arts plastiques au Mali, puise son inspiration tant dans les spiritualités africaines que dans l’actualité mondiale.
On s’arrête également sur la collaboration de la créatrice Suzanne Syz et de l’artiste « star » suisse John Armleder. Une opération de « communication » visuellement « glam » & « pop » !
Enfin son coup de cœur ultime se porte sur une série de sculptures de Takis présentées par la Galerie Xippas. Un artiste à son sens sous évalué aujourd’hui. Vendues séparément, les 6 sculptures disposées ensembles forment une composition harmonieuse, qu’il serait dommage d’éclater…Laurence Dreyfus, recommande immédiatement l’achat de ces œuvres à un couple de collectionneur qu’elle conseille depuis longtemps.
Art Genève ne se caractérise pas comme Le salon où l’on fait de nombreuses découvertes de jeunes artistes émergents, cependant la cinquième édition a réservé à notre conseillère en art trois bonnes surprises avec la présentation en solo show du travail de Maya Rochat par la galerie française Lily Robert.
Née en 1985 en Allemagne, Maya Rochat vit et travaille en Suisse. Essentiellement basé sur la photographie, son travail se développe également à l’intersection de la vidéo, de la peinture, du dessin, du collage et de l’installation. Sur le stand de la galerie on pouvait découvrir une série de montages / collages photographiques, analogiques et numériques, avec lesquels la jeune artiste sonde les profondeurs du plan pictural et bouscule les conventions esthétiques. Laurence Dreyfus s’intéresse tout particulièrement aux jeunes artistes de cette génération dite « numérique » et le travail de Maya Rochat s’inscrit tout à fait dans cet univers.
Un autre solo show a retenu l’attention de Laurence, celui de l’artiste sénégalais Omar Ba (né en 1977) sur le stand de la galerie Art Bärtschi & Cie. Le foisonnement de sa peinture figurative et narrative sur fond noir et sur carton ondulé provoque un choc visuel. Ses œuvres font appel à une iconographie riche et à un bestiaire pluriel et hybride.
Chaque œuvre regorge d’un maximum de détails, elle semble présenter plusieurs œuvres en une seule. Ce travail très symbolique s’intéresse à la dualité du monde, aux rapports entre le Nord et le Sud, notamment entre l’Europe et l’Afrique.
Enfin dans le registre des jeunes artistes, une mention spéciale sera donnée à une pièce d’Angelika Markul présentée sur le stand de la galerie polonaise Leto.
Du côté des présentations institutionnelles et des espaces consacrés à des expositions « curatoriales », La 5ème édition d’Art Genève aura été marquée par la remarquable proposition de Samuel Gross avec The Pool Bar. Après le White Bar en 2015, Samuel Gross a proposé sur un bassin d’eau une « chorégraphie » de sculptures de différents artistes représentés sur la foire. Un miroir d’eau, où le reflet de chaque œuvre invitait à la contemplation.
Dans un registre plus graphique, le monumental wall drawing de Sol Le Witt, restera sans nul doute l’image « phare » de cette édition 2016 !
Le lendemain matin, nous suivons les pas de Laurence Dreyfus au MAMCO de Genève. Un lieu incontournable selon elle, qu’elle visite régulièrement comme une référence concernant l’histoire de l’art conceptuel. Après une petite discussion avec le nouveau directeur Lionel Bovier, qui prépare un nouvel accrochage, nous arpentons les deux étages actuellement ouverts. Une visite qui s’est avérée aux côtés de cette expert en art très instructive sur sa vision de l’art contemporain, car on ne visite pas une foire comme un musée et cela permet de remettre en perspective certaines oeuvres vues la veille et de redéfinir au calme ses choix artistiques…
Je tiens ici à remercier vivement Laurence Dreyfus pour avoir accepté de partager ces quelques moments d’art genevois ensemble.
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