Kim Ku-Lim : Pionnier de l’avant-garde en Corée
- Posted by Minyoung LEE
- On 5 janvier 2017
- Corée du Sud, Visite d'atelier
Récemment, le Musée National d’Art Moderne et Contemporain de Gwacheon en Corée du Sud a fait renaître la performance historique de Kim Ku-Lim “From Phenomenon to Traces- An event with fire and Lawn”, que l’artiste avait tenté de réaliser le 11 avril 1970 au bord de la rivière Han à Séoul avant d’être stoppé par les autorités.
À cette occasion, Kim Ku-Lim avait tracé sur une pelouse inclinée sept triangles séparés par des lignes diagonales délimitées par des cordes. L’artiste a ensuite brûlé quatre parcelles de pelouse en laissant intact les trois dernières. Cette performance avec le feu et la pelouse englobe un cycle de vie qui met l’accent sur le processus de génération et de son extinction comme la notion de complémentarité propre à la pensée orientale du « Yin et Yang ».
Cette performance a marqué une étape importante dans l’art d’avant-garde en Corée où des aspects non matériels tels que la temporalité, l’action et l’espace ont été reçus comme des éléments de l’art et où le concept de génération et d’extinction est étroitement liée à l’œuvre de Kim Ku-Lim jusqu’à aujourd’hui.
Reconstituée pour la première fois en quarante-six ans, la performance de Kim Ku-Lim était l’occasion de mettre l’accent sur l’importance de l’art d’avant-garde en Corée dont il reste un symbole vivant.
Né en 1936 à Sangju en Corée du Sud, Kim Ku-Lim est principalement autodidacte et multidisciplinaire, c’est un pionnier de l’art d’avant-garde coréen. Après avoir abandonné le collège, il part aux États-Unis et s’inscrit à la Art Students League de New York. Lors de son séjour, il participe à des expositions collectives aux côtés d’artistes contemporains comme Bruce Nauman.
Après son retour des États-Unis, Kim Ku-Lim se sert de nouvelles formes d’expressions artistiques telles que l’art vidéo, le happening, les installations, l’art postal ainsi que le land art comme des outils pour ses propres explorations expérimentales. Bousculant ainsi les conventions et les attentes artistiques qui à l’époque étaient soit l’art réaliste et politisé (Minjung-misul) ou l’art informel comme l’abstraction monochrome (Dansaekhwa).
Son film The meaning of 1/24 Second que Kim Ku-Lim réalisera en 1969 sera le premier film expérimental de l’histoire en Corée. Ce film en 16mm mélangeant la couleur et le noir et blanc est composé de centaines de scènes hétéroclites. Reprenant la narration classique du cinéma qui consiste à filmer en 24 images par seconde. Ici, le film exprime la réalité abrupte à laquelle sont confrontés l’homme moderne et le sentiment d’aliénation provenant d’une vitesse incontrôlable avec un montage non narratif et des visuels expérimentaux sur une bande sonore dissonante.
Souvent le mot « précurseur » est utilisé pour décrire l’esprit d’avant-garde de Kim Ku-Lim qui pendant les années 1960 et 1970 était au sommet de son art.
Par ailleurs, Kim Ku-Lim s’est toujours défini comme un déviationniste, il a joué un rôle de premier plan dans plusieurs collectifs d’artistes comme Painting 68, A.G. Group ou encore The Fourth Group avec Jung Chan-seung et Chung Kang-ja. Ils présentent des spectacles qui critiquent le système politique en place et qui auront un impact énorme sur la scène artistique coréenne. C’est souvent un acte social, motivé par une pensée progressiste, basé sur une démarche d’expérimentation. Kim Ku-Lim et ses amis sortent dans les rues de Séoul et manifestent avec des messages comme «How are you going to prouve that you are a virgin ?» ou «Looking for my lost self ». Son militantisme et ses résistances étaient perçus comme dissidents et pro communistes à l’encontre du pouvoir en place.
Par la suite, Kim Ku-Lim se posera des questions sur les fondements de l’univers, basé sur la nature. Il développera ainsi sa série de travaux intitulée Yin et Yang, où il cherche un équilibre dans un monde en conflit avec différentes valeurs et opinions.
Yin et Yang sont pour lui deux composants que l’on peut retrouver dans tous les aspects de la vie et de l’univers. Mais cette dualité est perçue comme un point de vue de complémentarité, dans la recherche d’un équilibre.
Kim Ku-Lim imagine sa série Yin et Yang comme un facteur d’apparition et de disparition d’images. Il efface des images réelles sur sa toile comme un arbre, un animal ou encore des fleurs évoquant ainsi le rapport de l’homme à la nature. C’est une réflexion centrée sur le décalage entre réalité et l’illusion, l’organique et l’inorganique qui repose sur le flux du temps et le mystère de la vie.
À 80 ans, Kim Ku Lim avec son visage marqué de rides profondes, témoin de son passé tumultueux, a gardé toute son âme d’enfant et son esprit espiègle continuant d’explorer de nouvelles formes d’expressions, ce qui fait de lui aujourd’hui un artiste incontournable dans l’histoire de l’art contemporain en Corée du Sud.
Texte signé Minyoung Lee
0 Comments