LES BAINS : « IN BETWEEN ARTY »
- Posted by Béatrice Cotte
- On 29 avril 2013
- Galerie d'art, Paris, Projet éphémère, Résidence d'artistes
C’est une visite privée exceptionnelle et ultra privilégiée, que j’ai eu la possibilité de faire la semaine dernière, avant la fermeture définitive des BAINS DOUCHES !
Fermé au public en 2010 par la préfecture, pour risque d’effondrement, ce lieu mythique a été transformé pendant 4 mois, de janvier à février 2013 en résidence artistique éphémère par la Galerie Magda Danysz.
Façade de l’immeuble 7, rue du Bourg l’abbé, 75003 Paris |
Construit par la famille Guerbois en 1884, l’immeuble avait à sa conception vocation à accueillir des thermes privés. Ces bains, où Marcel Proustaimait venir, furent exploités par la famille jusqu’au début des années 1970 avant de fermer définitivement leurs portes. En 1978, deux amis louent les lieux pour y créer un endroit inédit sur la carte parisienne : une salle de concert rock qui se transformerait en discothèque une fois le concert terminé.
Les Bains Douches, entrée-courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
Ils confient la décoration à un jeune décorateur- designer dont ce sera l’une des premières commandes : Philippe Stark. L’endroit devient vite une institution où eurent lieu des concerts de légende, Depeche Mode, Brian Ferry ou Joy Division, dont est tiré l’album culte Live aux Bains Douches. Lieu de rendez-vous du monde des médias, du spectacle et des arts, David Guetta y sera longtemps le DJ résident, Thierry Ardisson en fera le studio de son émission télévisée : Bains de Minuit. Roman Polanski le prendra comme décor de son film Franticavec Harrison Ford. Tous les soirs on y croise des célébrités qui viennent y
diner ou danser: Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld…
Escalier vers le club avec une réalisation de Space Invader courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
Jusqu’au 2 juin 2010, date fatidique où la préfecture de police ferme du jour au lendemain la mythique boîte parisienne pour « mise en danger du public », en raison de fissures constatées sur l’immeuble. Ces fissures étant la conséquence de travaux réalisés sur les murs porteurs par le gérant, sans l’accord du propriétaire. Le gérant expulsé des lieux, l’entrée des bains murée, que faire de ce lieu chargé d’histoire ? C’est la question que s’est longuement posé le propriétaire, qui finalement décide de lancer un concours d’architecture pour transformer son immeuble en hôtel de luxe. Seulement voilà, le permis de construire tarde à venir et Jean-Pierre Marois contacte la Galerie Maria Danysz. Il lui donne carte blanche pour faire vivre le lieu et exploiter les 3000 m2 en attendant le début des travaux.
La galeriste s’est lancée dans un projet artistique inédit, fou et génial à la fois. La contrainte de la fermeture du lieu au public a très vite orienté le projet vers le choix de créer une résidence artistique éphémère. La découverte, pendant sa première visite du lieu, d’une fresque de Futura 2000 datant des années 80, l’a confortée dans son dessein de dédier l’espace à l’art urbain.
Futura 2000, fresque des années 80 retrouvée sur le site,
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Magda Danysza tout de suite vu l’opportunité de réunir et fédérer une quarantaine d’artistes tous issus de la golden classdu Street art international autour d’un projet expérimental leur offrant une totale liberté de création pendant quatre mois. Une expérience unique, que les artistes ont su saisir et exploiter pour rendre hommage à l’ADN artistique des Bains.
Sowat, Sambre, Parole Bains Douches courtesy galerie Magda Danysz, crédit photo Jérôme Coton |
StenLex, courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
Du 6ème étage au sous sol, 4 générations d’artistes urbains ont investi chaque espace de ce lieu de légende pour créer une œuvre inédite, urbaine et contemporaine. Ainsi au milieu de cette ambiance surréaliste d’immeuble en friche, brut, sale, et en devenir, on découvre avec enchantement des œuvres de Jay, Sikki, Psy, Vhils, L’Atlas, Tanc, Sambre, Sowat, YZ, ASH, Space Invader, Jérôme Mesnager, et cerise sur le gâteau la petite phrase de leur aîné Jacques de Villéglé (90 ans, pionner du street Art)
« Nous sommes dans un lieu historique, silence » !
Jacques de Villéglé,
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Lorsque l’on déambule dans les étages, on ressent une certaine émotion face à ce mariage des générations, cette réelle cohérence du projet et le caractère éphémère de cette entreprise. Réaliser que quelques jours plus tard ces œuvres seront détruites, ajoute une inévitable pointe de « dramaturgie » à l’expérience.
9eme Concept, courtesy galerie Magda Danysz, crédit photo Jérôme Coton |
STEW devant sa réalisation, courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
ASH, réalisation in situ, courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
C215– Space Invader, courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
C’est d’ailleurs pour ce goût de l’éphémère que les artistes ont accepté. Ils se sont « lâchés » car il n’y avait aucune contrainte de conservation. Thomas Cantoa par exemple réalisé une œuvre en 3D, et a tout investi du sol au plafond créant une illusion 3D surprenante.
Thomas Canto, courtesy galerie Magda Danysz, crédit photo Jérôme Coton |
L’œuvre qui m’a le plus impressionnée est celle du jeune artiste Sambre qui a créé une sphère réunissant 2 étages. Il a creusé au milieu d’une pièce un trou en forme de cercle entre le 5èmeet le 4ème étage, et avec les lames de parquet récupérées créé une sphère aérienne et magnifique.
J’ai également beaucoup aimé les œuvres de l’artiste YZ, une des rares artistes de la gente féminine à participer au projet. Elle a su peindre et épouser avec beaucoup de sensualité et de poésie les murs, cheminées, miroirs et autres traces encore en place du décorum XIXème de certaines pièces.
YZ – Les Bains in situ – 2013, courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
YZ, courtesy Magda Danysz Gallery, photo Stéphane Bisseuil |
Cette expérience de résidence éphémère, chacun a pu la partager via le site internet www.lesbains-paris.com, qui chaque jour proposait le déroulé créatif du « work in progress » aux Bains.
Les photographies qui illustrent cet article sont celles de deux photographes professionnels auxquels la galerie a réservé l’exclusivité des images du lieu durant la résidence. Un livre souvenir, issu de leur travail « témoin », sortira prochainement afin de garder une trace « en dur » de ce moment unique et magique de l’histoire des Bains.
Cette visite privée, en compagnie de la galeriste a été une occasion privilégiée de replonger dans un lieu qui a bercé notre jeunesse, de découvrir un nouveau visage des Bains avant le lancement des travaux qui lui offriront une nouvelle renaissance sous la forme d’un hôtel de luxe en 2014.
GALERIE MAGDA DANYSZ
78, rue Amelot, 75011 PARIS
+ 33 (0)1 45 83 38 51
www.magda-gallery.com
LES BAINS
7, rue du Bourg l’abbé, 75003 PARIS
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