WASTELAND – NEW ART FROM LOS ANGELES
- Posted by Béatrice Cotte
- On 25 mars 2016
- Exposition, Paris
C’est une exposition collective inédite à Paris que nous propose l’américaine Shamim M. Momin, commissaire d’exposition, présidente et directrice de LAND (Los Angeles Nomadic Division), une organisation artistique publique à but non lucratif de Los Angeles.
Intitulée Wasteland : New Art from Los Angeles, en référence au poème fondateur du modernisme The Waste Land de T.S. Eliot, l’exposition présente la travail de quatorze artistes basés à Los Angeles.
Les oeuvres récentes ou commandées spécialement pour cette exposition sont montrées simultanément dans deux espaces à l’esthétique très différente, le Mona Bismarck American Center, un hôtel particulier « flamboyant » sur les quais de Seine et la Galerie Thaddaeus Ropac de Pantin, un « white cube » « industriel » dans la banlieue parisienne.
L’occasion de découvrir ainsi la jeune scène de Los Angeles sous des angles différents et contrastés et de confronter géographiquement et historiquement deux lieux et deux villes Paris et Los Angeles.
En prenant comme base de réflexion le poème de T.S. ELiot, Shamim M. Momin, jeune et brillante commissaire d’exposition « impose », à chaque artiste invité, un dialogue, une réflexion, une recherche sur notamment l’état « précaire de la morale » de notre société et la construction de notre avenir dans ces conditions. Chaque artiste a ainsi joué avec les nombreux niveaux de lecture du poème pour construire une exposition où non seulement les oeuvres dialoguent entre elles, tissent un lien fort avec le lieu où elles s’exposent et jettent un pont entre deux continents « artistiques ».
Lors de la visite de presse, Shamim M. Momin a expliqué que le contexte historique du texte de T.S. Eliot présentait à ses yeux des similitudes intéressantes avec notre époque. Publié en 1922, il fut écrit à un moment de profonde désillusion politique, culturelle et individuelle…Un parallèle qui lui semblait intéressant d’explorer avec des artistes comptant parmi les meilleurs de la scène artistique de Los Angeles aujourd’hui et confrontés aux mêmes « désillusions ».
Au-delà de cette référence littéraire, le titre Wasteland éveille d’autres résonances, depuis la vieille (mais tenace) image sur le « désert culturel » que représente Los Angeles jusqu’à la réalité géographique des terrains vagues qui caractérisent à la fois la ville et les paysages naturels de la Californie du Sud. Ce titre fait également venir à l’esprit certaines images d’un futur post-apocalyptique et post-humain que l’on doit en grande partie aux prodiges visuels du principal produit d’exportation de Los Angeles : Hollywood.
Les artistes de Wasteland emploient des techniques et des modes de présentation divers, dans une sorte de « démarche élargie » où tous les aspects de leur travail revêtent une égale importance : performance, sculpture, installation interactive, peinture, concert ou photographie. Reconsidérant l’idée de Los Angeles comme zone sinistrée, l’exposition met en lumière un nombre de techniques, de matériaux et de thèmes. Nombre d’oeuvres sont notamment composées d’éléments de récupération et de déchets de la vie courante (cigarettes, raquettes de tennis, morceaux de papiers, livres…).
Une exposition qui malheureusement se répète un peu en exposant les mêmes artistes dans les deux lieux qu’elle investie…Dommage que Shamim M. Momin réduise ainsi à seulement quatorze artistes le « New Art From Los Angeles » (sous titre de l’exposition)…
LES ARTISTES ET LES OEUVRES EXPOSEES
EDGAR ARCENEAUX
Edgard Arceneaux est né en 1972 à Los Angeles, en Californie, où il vit et travaille actuellement.
Il réalise des installations originales qui explorent la cosmologie d’un point de vue personnel et scientifique, ainsi que des thèmes tels que l’identité Afro- américaine, la science fiction, et l’histoire américaine. Le travail d’Edgar Arceneaux approfondit la relation entre des formes et des concepts en apparence différents, et établit des liens entre les idées au moyen de compositions à plusieurs niveaux de sens ou d’éloquents assemblages d’images. Du point de vue technique, sa pratique s’étend du dessin à la photographie, en passant par la sculpture, la réalisation de films, et les installations pluridisciplinaires.
L’installation architecturale présentée dans la bibliothèque Mona Bismarck American Center fait écho à la fonction de la salle dans laquelle elle se déploie. La structure labyrinthique de cette grande cabane en bois est remplie de piles de livres, certains calcinés d’autres pris dans un cristal de sucre. Les titres ont été déformés, ils rendent compte des ouvrages essentiels de la pensée d’Edgar Arseneaux, comme Bith of a Nation qui se transforme en Birth of a Night. Le reflet des étagères dans les surfaces « miroirs » des paroies de cette bibliothèque « fantôme » invite le spectateur à l’intérieur de cette histoire « transformée », incitant une interprétation critique.
LISA ANNE AUERBACH
Lisa Anne Auerbach est née en 1967 à Ann Arbor, dans le Minnesota. Elle vit et travaille à Los Angeles, en Californie.
Lisa Anne Auerbach est une artiste pluridisciplinaire connue pour ses tricots recouverts de slogans, ses photographies de monuments dédaignés et ses diverses publications. Couturière autodidacte, Lisa Anne Auerbach recouvre pulls, couvertures et banderoles de textes de nature provocatrice sur la culture du développement personnel et de la politique. Ses photographies et magazines s’inspirent de pornographie trouvée par hasard, de tracts religieux, de diseuses de bonne aventure, de petits commerces, ou encore de la culture cycliste. Caractérisée par une esthétique de l’artisanal, l’œuvre de Lisa Anne Auerbach combine son intérêt pour les cultures alternatives ainsi qu’un grand nombre de sujets politiques avec le monde de l’artisanat traditionnel.
Le panneau tricoté à la main par l’artiste illustre les titres des ouvrages retrouvés dans la bibliothèque de sa grand-mère. Cette oeuvre offre ainsi un portrait « privé » original aux multiples facettes et références artistiques. Comme au Mona Bismarck American Center, à la Galerie Thaddaeus Ropac, l’oeuvre murale est accompagnée d’un mannequin, moulé sur le corps de l’artiste, habillé de vêtements tricotés, portant différents messages.
MARK BRADFORD
Mark Bradford est né en 1961 à Los Angeles, en Californie, où il vit et travaille actuellement.
Il réalise des peintures d’une grande densité visuelle en transformant les matériaux récupérés de son environnement urbain en des collages et des installations murales. La nature cartographique de son travail lui permet d’aborder les systèmes spontanés qui émergent dans les villes tels que les réseaux d’échanges économiques alternatifs, les communautés itinérantes et autres réalités socio-politiques. Mark Bradford s’exprime dans un langage abstrait, et utilise une palette de couleurs vives ainsi que des textes glanés çà et
là qui renvoient à des événements historiques tels que les émeutes de Los Angeles en 1992, le mouvement des droits civils, ou la crise du SIDA.
La sculpture de lanières de peintures de Mark Bradford tombe, telles des tresses africaines, élégamment en cascade dans la cage d’escalier du Mona Bismarck American Center. L’oeuvre consiste en un assemblage de rubans de papier maculés de peinture associés avec d’autres débris arrachés d’un mural de plus de 30m réalisé par l’artiste.
SAM FALLS
Sam Falls est né en 1984 à San Diego, en Californie. Il vit et travaille à Los Angeles.
Il est un artiste pluridisciplinaire dont la pratique va de l’installation à la peinture, en passant par la sculpture et la photographie. Ses œuvres interrogent le phénomène d’entropie, la perception et les processus temporels. Depuis 2010, Sam Falls a réalisé plusieurs séries d’œuvres traitant du processus naturel de décomposition et de détérioration, comme l’effet à long-terme du soleil et de la météo sur la progressive dégradation et disparition de ses œuvres. Son travail le plus récent consiste en séries de peintures aux nuances de couleurs
très délicates représentant des silhouettes de plantes ramassées au hasard, des sculptures géométriques installées dans l’espace public, ainsi qu’une installation représentant une camionnette récupérée dont le capot ouvert est rempli de cactus et de plantes grasses.
La Light Room, conçue pour l’extérieur est une boîte blanche en aluminium laqué, qui invite le visiteur à se glisser à l’intérieur pour prendre place dans un espace exigu. Au plafond, le spectateur peut admirer une vitre teintée de couleurs à dominante bleue, qui transforme les murs intérieurs en surfaces chatoyantes, captant les lumières changeantes du jour. Une oeuvre pleine de poésie sur l’état du ciel.
DANIEL JOSEPH MARTINEZ
Daniel Joseph Martinez est né en 1957 à Los Angeles, en Californie, où il vit et travaille actuellement.
est un artiste multimédia qui intègre souvent le langage à ses œuvres-performances, sculptures, installations, œuvres imprimées – dans le
but d’aborder un certain nombre de sujets politiques et sociétaux. Son travail est un regard stimulant porté sur la société et aborde des thèmes comme la violence, l’identité personnelle et collective, l’autorité politique et la lutte des classes, avec une grande inventivité et un certain sens de l’absurde.
JON PYLYPCHUK
Jon Pylypchuk est né en 1971 à Winnipeg, au Canada.
Il réalise des peintures et des sculptures humoristiques et poignantes qui traitent des émotions humaines à travers la représentation de créatures tragi- comiques. Ces créatures, souvent représentées dans des attitudes de révolte, de tristesse ou de lamentation, sont faites de ready-made ou de matériaux artisanaux. Un grand nombre de ses peintures et de ses dessins intègre des bribes d’histoires sombres tirées de son imagination, de conversations banales ou de chansons.
L’artiste personnifie des mégots de cigarettes, créant une famille. Ces personnages incarnent de façon ironique les simples épreuves de la vie quotidienne, comme le cancer des poumons, qui nous atteignent le plus durement…
FAY RAY
Fay Ray est née en 1978 à Riverside, en Californie. Elle vit et travaille à Los Angeles.
est une artiste multimédia qui réalise des assemblages photographiques abordant les thèmes du fétichisme, des comportements ritualisés, de la construction de l’identité féminine et du corps. Fay Ray photographie des surfaces monochromatiques dans le but de créer un équilibre entre forme et texture, et perturbe ensuite ces surfaces avec des images de corps féminin. Son travail se concentre sur le rôle de la féminité dans la hiérarchie culturelle et l’imagerie de notre société.
RY ROCKLEN
Ry Rocklen est né en 1978 à Los Angeles, où il vit et travaille.
Il réalise principalement des sculptures à partir d’objets trouvés et artisanaux pour les détourner de leur fonction première. Ry Rocklen s’intéresse aux objets oubliés, négligés, méprisés, et s’engage dans un processus créatif long et méticuleux dans le but d’insuffler à ses créations une valeur esthétique, alors invisible dans leur état originel. Un matelas plié en deux et recouvert de mosaïques chatoyantes, une casquette de baseball en plaqué cuivre, un t-shirt plié en porcelaine ou des arbres recouverts de plâtre comptent parmi ses sculptures les plus connues.
Ry Rocklen utilise le miroir de la cheminée du Mona Bismarck American Center pour jouer avec le reflet des ses deux sculptures. A gauche face à nous la face plane de la sculpture représentant une décalcomanie d’un vieux récipient, tandis que sur la face opposée, qui se reflète dans le miroir, l’artiste a sculpté en ronde-bosse un visage ressemblant à Grace Jones. A droite, sur le même principe, on devine l’image d’une canette de bière mexicaine froissée. Ce déchet reconstitué sur l’autre face devient alors une représentation de l’humanité souvent triste ou pathétique.
AMANDA ROSS!HO
Née en 1975 à Chicago, Amanda Ross-Ho vit et travaille à Los Angeles.
Cette artiste utilise aussi bien la peinture, la sculpture, la photographie, le dessin, le textile que les objets trouvés. Elle créé des installations et assemblages qui établissent des relations nouvelles entre les objets et les rebus de notre vie quotidienne. Amanda Ross-
Ho s’intéresse au phénomène de transformation et à la mise en échec intentionnelle de l’authenticité du geste et de la performance. Son travail interroge les territoires intimes de l’expérience, alternant entre contexte de production et contexte de réception, dans le but de créer un monde de signification infinie.
La série de peintures abstraites installées dans le salon chinois du Mona Bismarck American Center est dérivée de chiffons de ces mappemondes (installées à la Galerie Thaddaeus Ropac) saisissant ses notes, empreintes de pas, ronds de tasses de café, etc. qui rendent compte ainsi des traces du processus de création de l’artiste dans son atelier. Ces mappemondes utilisent le code couleur des pays sur une autre échelle et deviennent des peintures abstraites. Les gants du peintre éclaboussés de taches de peintures, reproduis à des dimensions « oversize » sont ainsi transformés par l’artiste en véritables sculptures de peintures.
ANALIA SABAN
Analia Saban est née en 1980 à Buenos Aires, en Argentine. Elle vit et travaille à Los Angeles.
Cette artiste produit des œuvres à mi-chemin entre la sculpture et la peinture
en associant des surfaces découpées au laser, et des couches élaborées de matériaux non- conventionnels. Analia Saban déconstruit et reconfigure la notion traditionnelle de peinture
en utilisant bien souvent ce médium comme sujet même de l’œuvre. Son travail brouille les frontières entre l’imagerie et l’objet, et joue sur les références historiques et les traditions. L’originalité de ses techniques – l’utilisation de toiles de peinture défaites, de papier brûlé au laser, ou le remplissage de ses supports avec de la peinture acrylique – est au cœur de sa pratique, qui peut être définie comme une exploration des processus de créations artistiques et de la matière, en lien avec son expérience quotidienne.
Son oeuvre fusionne une toile monochrome en lin brut avec un canapé suggérant un processus d’hybridation et de mutation anormale. La couleur monochrome et inexpressive prend des allures sinistres : elle enferme, calfeutre et bloque la vue!
BRENNA YOUNGBLOOD
Brenna Youngblood est née en 1979 à Riverside, en Californie. Elle vit et travaille à Los Angeles.
Elle s’exprime à travers une variété de collages photographiques, de peintures, de sculptures et d’assemblages qui explorent l’iconographie
de la vie afro-américaine urbaine, les questions d’identité, d’éthique, de représentation, la relation entre texte et image, et les abstractions politiques. Elle intègre des objets trouvés et des matériaux tirés de sa vie quotidienne dans ses œuvres plastiques.
Parmi les quatorze artistes exposés, citons également le travail de Math Bass, Shannon Ebner et Erika Vogt, dont le travail n’a pas véritablement retenu mon attention par rapport aux oeuvres aux oeuvres de Mark Bradford, d’Edgar Arceneaux, de Sam Falls et de Ry Rocklen, qui elles resteront durablement dans ma mémoire.
WASTELAND
Exposition jusqu’au 17 juillet 2016
– Mona Bismarck Center
34, avenue de New York, 75116 Paris
– Galerie Thaddaeus Ropac
69, avenue du Général Leclerc, 93500 Pantin
LAND (Los Angeles Nomadic Division)
8033 Sunset Boulevard #455, Los Angeles
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