LE MAMO : LE CORBUSIER + ORA ÏTO + XAVIER VEILHAN UN TRIO DETONNANT POUR UN NOUVEAU CENTRE D’ART DECOIFFANT
- Posted by Béatrice Cotte
- On 11 juin 2013
- Architecture, artiste français, Centre d'art, Marseille, Sculpture
Deux jours avant l’inauguration officielle du MaMo, nouveau centre d’art de La Cité Radieuse à Marseille, j’ai la chance de découvrir en avant première ce nouveau lieu unique dans le paysage de Marseille Provence 2013, Capitale Européenne des Arts. Une nouvelle occasion de partager avec vous une escapade artistique qui fut des plus passionnantes.
A travers le Marseille Modulor ou MaMo, c’est un rêve d’enfant qu’Ora Ïto réalise. Un petit clin d’œil amusé et frondeur au MoMa de la Big Apple ! New York versus Marseille, il est clair qu’Ora Ïto, designer et architecte iconique, agitateur né, issu de la cité phocéenne se lance dans un défi hors norme comme il les aime ! Une vraie réussite qu’il a la joie de nous faire partager.
Historique d’un projet, historique d’un défi
Le MaMo, Extérieur du gymnase de la Cité radieuse de Le Corbusier |
En 2010, Ora Ïto découvre que le gymnase édifié dans les années 60 sur la terrasse de La Cité Radieuse est à vendre. Le site est à couper le souffle, mais une adjonction en dénature le point de vue. Classée en 1986 avec l’ensemble du bâtiment, Ora ïto, aspirant à redonner au bâtiment son état originel, souhaite la raser. Une « croisade » commence, avec l’appui de la Fondation Le Corbusier, qui elle aussi bataille pour qu’on redonne au bâtiment son aspect d’origine. Finalement, avec le soutien de l’ensemble de la copropriété de la Cité, les obstacles sont un à un balayés. La verrue est finalement détruite et la toiture-terrasse retrouve sa grâce initiale.
Le MaMo, la terrasse devant le gymnase |
Aujourd’hui, les murs ont été refaits à l’identique, travail minutieux, respect des plans, avec le soutient des copropriétaires amoureux du « Corbu ». Bientôt, peinture, sculpture, vidéo, performances trouveront place là même où Le Corbusieravait choisi d’établir un atelier de peinture pour enfants. En installant ce centre d’art sur la terrasse, Ora Ïto reprend ainsi à son compte la philosophie corbuséenne de l’accueil et du partage.
La cour de récréation, la salle de peinture et le pédiluve de l’école maternelle de la Cité Radieuse |
Un lieu de création artistique en plein ciel
Trois ans plus tard c’est donc au sommet de la Cité Radieuse édifiée entre 1945 et 1952, que s’ouvre le MaMo Audi talents awards créé par Ora Ïto. Le chef d’oeuvre de Le Corbusier s’offre ainsi un nouvel avenir en devenant l’écrin et le tremplin de la création à venir. Dans ce nouveau centre d’art d’exception, L’esprit du « Corbu » souffle, impulse et diffuse.
L’immeuble de la Cité Radieuse |
La Cité Radieusen’est pas un monument, c’est un manifeste. Barre de béton érigée sur pilotis, baptisée « Unité d’Habitation » par le génialissime architecte, rebaptisée « la maison du Fada » par les riverains, elle est connue et célébrée dans le monde entier. Cette résidence de 337 appartements en duplex est un village vertical, avec ses rues intérieures, son restaurant, son épicerie, sa librairie, son hôtel, sa crèche et son école.
Détail de la façade de la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille |
Les pilotis qui supportent la Cité Radieuse |
Paquebot de béton ancré en pleine terre, la Cité Radieuse s’orne d’un toit terrasse qui est encore un pont de navire, une vigie en plein ciel. Le regard y embrasse le territoire à 360°. C’est un lieu époustouflant !
Le Modulor de Le Corbusier
Le Modulor de Le Corbusier, taillé dans la pierre, à l’entrée de la Cité Radieuse |
Le Corbusier(1887-1965) : architecte à l’influence considérable, théoricien de « l’Esprit nouveau », propagateur du Mouvement Moderne, est le père du Modulor, une silhouette humaine stylisée destinée à servir d’étalon de mesure dans toutes les parties d’un édifice.
D’une taille d’1,83m, la silhouette lève un bras
pour atteindre la hauteur de 2,26m. Déclinées, ces proportions harmonieuses règlent les rapports d’échelle entre tous les éléments de la Cité Radieuse. Portes, fenêtres, allèges, rampes, marches… tout est saisi et magnifié dans cette réinterprétation du nombre d’or, réécriture décapante d’un symbole universel.
Né de la rencontre du Module et du Nombre d’Or, utilisé et mis en pratique pour la première fois dans l’Unité d’Habitation de Marseille. En hommage et référence à ce concept fort, Ora Ïto a ainsi volontairement cité le Modulor dans le nom de son nouveau centre d’art : le Marseille Modulor ou MaMo, un double hommage à sa ville d’origine et à cet artiste de génie que fut Le Corbusier.
MaMo comme Marseille Modulor, mais aussi MaMo comme Marseille Main Ouverte
C’est placé sous une double signification que le MaMo prend ses marques. Sculpteur, Le Corbusiera dessiné une main ouverte, réalisée après sa mort et installée à Chandigarh en Inde ; cette main déjà, bénit le MaMo.
Désormais, Main et MaMo font bon ménage. Deux mains pour demain. Pour accueillir, pour saisir, pour aider la création et les artistes.
Le MaMo devient jusqu’en décembre 2014 le MaMo Audi talents awards
Ora ïto sur le toit du MaMo |
Ora ïtoet le programme Audi talents awards se sont naturellement associés pour soutenir la jeune création dans les domaines du design et de l’art contemporain en offrant aux artistes prometteurs un nouvel espace d’expression. Ora Ïto est impliqué depuis longtemps dans la démarche de mécénat culturel d’Audi. Leur association jusqu’en décembre 2014 l’a concrétise un peu plus.
La Programmation
L’idée est non seulement d’inviter des artistes à se confronter à un lieu unique au monde mais plus encore de les amener à dialoguer avec la pensée corbuséenne, multiforme, généreuse et profondément novatrice.
Ils seront appelés à créer des échanges d’utopies réalisables en interaction avec la Cité Radieuse, ses habitants, les Marseillais et plus largement la Méditerranée. L’art, les arts, seront ici envisagés comme un sport de combat, pour reprendre l’expression de Bourdieu.
Un sport d’athlètes, un face to face entre un artiste et Le Corbusier, dont les vainqueurs devront être la création, l’innovation, l’audace.
En somme un mano à mano au MaMo. Les artistes devront jouer avec l’architecture du lieu, entamer un dialogue avec ses codes couleurs, magnifier le site tout en y puisant force et inspiration. Le MaMo Audi talents awards sera envisagé comme un lieu de partage, d’ouverture au monde et à tous. Un pôle d’échanges à l’image de la Méditerranée.
Les artistes confrontés à la puissance de la Cité Radieuse, à la prégnance pugnace du paysage
devront s’engager dans un combat de poids lourds. Comment sauvegarder la légèreté de l’art, sa fugacité, son audace éphémère dans un contexte où le béton chante et l’air enivre ? Aux artistes de répondre.
Xavier Veilhan |
Le premier à tenter de répondre à ce défi est l’artiste Xavier Veilhan, ami d’ Ora Ïto, mais surtout figure majeure de la scène artistique contemporaine.
Xavier Veilhan(né en 1963, vit et travaille à Paris) se définit comme un artiste visuel. Son travail, déclinant sculpture, peinture, vidéo, photographie et installation, consiste à ressaisir le réel, notamment dans ses aspects biologiques et techniques, sous des formes archétypales, génériques ou prototypiques qui interrogent les modes de représentation historiques et contemporains.
Architectonesde Xavier Veilhan
Depuis 2012, Xavier Veilhan développe Architectones, une série d’interventions artistiques dans des lieux majeurs de l’architecture moderniste. Après trois étapes à Los Angeles (VDL de Richard Neutra, CSH n°21 de Pierre Koenig et Sheats-Goldstein Residence de John Lautner), le projet développé par l’artiste fait étape à la Cité Radieuse, en même temps qu’il inaugure le MaMo.
« Quel est l’endroit ultime dans lequel, je souhaiterais montrer mon travail ? C’est en cherchant une réponse à cette question, que j’ai commencé à réfléchir à une série d’expositions atypiques dans des lieux majeurs de l’architecture des cents dernières années. Cela fait écho à la célébration des architectes contemporains dans mon exposition personnelle au Château de Versailles en septembre 2009…Plutôt qu’avec leur personne, c’est avec leur œuvre que je veux interagir en créant des situations spécifiques à chacune de leur construction. »
Le MaMo, Xavier Veilhan, Le Billet Moderniste, 2013, impression archival, bois, Courtesy Galerie Perrotin |
« Le nom du projet est tiré d’Architectones, une œuvre de recherche sur le volume, entreprise par l’architecte russe Malevitch. Des maquettes, des bâtiments utopiques qui pouvaient éventuellement servir de référence à des travaux d’architectes. Cette utopie, je l’ai réactivée en sélectionnant différents lieux devenus le cadre de certaines de mes œuvres. Celles-ci répondent à l’architecture au niveau du concept, de l’échelle, de la matière et de la couleur. J’aime les imaginer comme des instruments d’optique, des réalisations au travers desquelles on regarde pour mieux comprendre l’architecture du lieu, parfois au sens littéral. J’instaure ainsi un dialogue entre mes créations et ces lieux. » Xavier Veilhan (interview pour le Monde)
Ainsi, lorsque Xavier Veilhan prend connaissance du projet d’Ora ïto de racheter le gymnase de la Cité Radieuse, il devient évident aux yeux de l’artiste, que le toit terrasse de Le Corbusier fera partie intégrante de son projet Architectones.
« J’aime beaucoup ce bâtiment suspendu dans les airs, en osmose avec les éléments. De ce toit, on voit la mer, la montagne et le ciel… J’ai donc voulu prolonger cette sensation dans mon travail, donner la sensation d’être en suspension comme sur un Transatlantique… »
Le MaMo, Le Corbusier (buste), 2013, Résine polyester, mousse PU, polystyrène, inox, Courtesy, Galerie Perrotin |
C’est en effet un bel hommage que l’artiste rend au maître, en exposant sur la terrasse de la Cité Radieuse, entre autres, un magnifique buste de Le Corbusier. L’architecte dessine à même le sol du bâtiment, ainsi le projet et sa construction ne font qu’un !
Au dessus de sa tête, un faisceau de lignes révèle un plan virtuel de lignes verticales et horizontales, reliées entre elles par les formes géométriques du mur et celles organiques de la tour de ventilation. Telle une voile de bateau, ces lignes nous emportent sur les flots de la création.
Quelques arbres stabiles « plantés » dans les jardinières de ce paquebot flottant, évoquent les « Arbres de béton » des frères Martelou certaines structures constructivistes, des assemblages simples de contreplaqué peints qui offrent au visiteur le spectacle d’une nature artificielle, rappelant ainsi l’idée originelle de l’architecte : associer la fonction d’une place de village à celle d’un toit.
Le MaMo, intérieur du gymnase, Le Mobile (Le Corbusier), 2013, Aluminium, résine, fibre de carbone, drisse, tube en aluminium, Courtesy Galerie 313 Art Project |
La plus belle pièce est, sans nul doute à mes yeux, Le Mobile exposé dans l’enceinte même du gymnase. Une sculpture en aluminium représentant Le Corbusieravec ses iconiques lunettes et tenant dans sa main une cigarette. Du bout de cette dernière partent des fils qui retiennent un mobile d’ « astres » suspendus. L’architecte, maître des lieux apparaît comme le contrepoids de ses propres idées.
Le MaMo, intérieur du gymnase, Le Mobile (Le Corbusier), 2013, Aluminium, résine, fibre de carbone, drisse, tube en aluminium, Courtesy Galerie 313 Art Project |
Détail |
Quel plus bel hommage Xavier Veilhan et Ora ÏTo pouvaient-ils faire à ce génie de l’architecture moderniste ?
A travers le MaMo, un nouveau « pont des Arts » est né, un pont de plaisirs et de rencontres, qui nous offrira à l’avenir, sans nul doute, bien d’autres belles expositions/sensations à découvrir à ciel ouvert.
Le MaMo, vue de la terrasse, un véritable pont de paquebot ! |
MAMO
Centre d’art de la Cité Radieuse,
280 Boulevard Michelet
13008 Marseille, France
Tel :
+33 1 42 46 00 09
Tarifs
Prix : 5 euros
Heures d’ouverture
Du mercredi au dimanche de 11H à 18H
XAVIER VEILHAN
OAR ÏTO
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