CLAIRE TROTIGNON : Let’s Build a home – Solo Show à la Galerie de Roussan
- Posted by Béatrice Cotte
- On 16 mars 2015
- 2015, Artiste française, Galerie d'art, Paris, solo show
J’ai découvert le travail de Claire Trotignon en 2012 sur la Foire SLICK. Elle exposait alors une série de sérigraphies intitulées Landscapes. J’ai eu un véritable coup de cœur en regardant ces paysages imaginaires « flottants » dans les airs. Ils faisaient directement écho à mes études en Histoire de l’art et notamment aux magnifiques dessins ou « caprices d’architectures » et « vedute » du célèbre aquafortiste Piranèse (1720-1778). Dans cette série, les compositions de Claire dialoguaient en effet avec les artistes du Siècle des Lumières et revisitaient ainsi l’engouement pour l’archéologie et les ruines antiques en créant avec des éléments d’architecture contemporaine perchés dans des paysages romantiques une archéologie du futur.
Claire Trotignon, Triple matin, 2013, Sérigraphie sur papier Arches, 12 ex.
Bernard Chauveau Editeur & Le Néant Editeur, Paris
Plus de deux cents morceaux de gravures anciennes découpées (rochers, végétation, nuages ou montagnes) sont parfois collés les uns aux autres, presque imperceptiblement pour recréer une nature « rêvée » et offrir au regard un paysage presque idyllique, en équilibre, flottant librement dans l’espace.
PRESENTATION DE L’EXPOSITION : Let’s Build a home
Vue de l’exposition de Claire Trotignon, Let’s Build a home, à la Galerie de Roussan
Dans ses nouveaux travaux, Claire Trotignon poursuit ce mouvement de va-et-vient continu entre le vrai et le faux, entre le passé et le présent.
Le titre de cette exposition est emprunté à une chanson des White Stripes, qui libère une énergie « rock’n roll » et invite à la création. C’est en effet à la construction d’un espace privé et personnel inédit que nous invite Claire Trotignondans son premier Solo Show à la Galerie de Roussan.
Claire Trotignon, Les relèves sécantes, 2015, 180x126cm, collage gravure et sérigraphie,
courtesy Galerie de Roussan
Les Relèves Sécantes et Nos Abîmes inclinées, on retrouve les citations au 18ème siècle, mais l’artiste introduit une nouvelle citation aux artistes peintres de la renaissance, Paolo Uccello (1397-1475)et Piero della Francesca (vers 1416-1492). Les lances de la Bataille de San Romano (1441-1450) et celles présentes dans les fresques du cycle de L’histoire de la croix à Saint-françois d’Arezzo (1452-1459) sont ici introduites par l’artiste pour apporter des lignes de forces, une tension plastique, qui viennent « dynamiser » la composition, « perturber » « animer » la tranquillité du paysage somptueusement irréel qui devient en quelque sorte, dès lors, « triomphant ».
Claire Trotignon, Nos abîmes inclinées, 2015, 40x50cm, collage gravure, carte postale,
courtesy Galerie de Roussan
La référence à ces deux maîtres de la perspective du Quattrocento italien, introduit un nouveau dialogue avec cette période clé de l’Histoire de l’art, dans la conquête de l’harmonie de l’espace et la mise au point des types de composition, entre le monumental et le décoratif.
Dans l’œuvre Leurs lances comme des compas, en plus des lances, Claire introduit également via le titre de l’œuvre une référence aux architectes de l’époque comme Léon-Baptiste Alberti (1404-1472), qui avec ses compas et calculs mathématiques rechercha à travers le dessin d’architecture la quête humaniste de la beauté et de l’harmonie idéale.
L’intellectualisation de l’architecture, fit naître l’idée que le beau est la valeur absolue. La beauté d’une architecture, d’un dessin, d’une peinture fait rayonner dans l’âme humaine une joie pure, suscite un accord irremplaçable entre l’homme et l’univers. Au quattrocento, la référence fondamentale devient pour la première fois l’art antique. L’architecture est partout, plie partout la nature à l’homme et le désordre à la beauté.
Claire Trotignon, Leurs lances comme des compas, 2015, 40x50cm, collage gravure, PHOTO,
courtesy Galerie de Roussan
Dans cette œuvre de Claire Trotignon, c’est un peu le sentiment qui domine, lorsque l’on regarde la partie droite de la composition, où la nature et les rochers sont cernés par des murets, qui semblent sortir tout droit de dessins de fortifications de Vauban (1633-1707). Une bataille contemporaine semble ainsi se jouer entre la partie gauche de la composition, où la nature « libre » semble vouloir repousser avec ses lances la conquête de l’architecture. Les batailles humaines de Piero Della Francesca et de Paolo Ucello ont fait place à une bataille d’éléments graphiques qui remettent en perspective la notion d’espace. Claire Trotignon en bouleversant les codes de la représentation classique propose à travers ces œuvres une nouvelle interprétation.Claire Trotignon, Série Private place, 2015, 30x40cm chaque, dessin, collage gravure et aquarelle,
courtesy Galerie de Roussan
Ce collage, introduit je pense la série des Private Place, où l’architecture ordonne, contient la nature selon des plans géométriques et des perspectives qui rappellent les dessins des jardins florentins ou à la française. Chaque composition offre un angle de vue différent et propose une belle ordonnance perspective qui nous plonge à nouveau dans des « caprices d’architectures » idéalisés. L’espace, l’univers, semble réduit à des jeux de maquettes géométriques. L’aspect de liberté, de fluidité apporté par la suspension des éléments dans les airs, contraste avec l’enfermement strict de la nature et apporte à ces œuvres une tension plastique essentielle.
Claire Trotignon, Série Private place, Jardin Cour, 2015, 30x40cm, dessin, collage gravure et aquarelle, courtesy Galerie de Roussan
Dans Jardin Cour, la composition joue sur une perspective théâtrale qui cadre le paysage, introduisant la notion de tableau dans le tableau ou mise en abyme. L’aspect gravure de l’œuvre fait à nouveau écho aux nombreuses estampes du 18èmesiècle qui représentaient des décors éphémères d’Opéra ou de Théâtre et stimulaient les spéculations sur les espaces inventés.
Claire Trotignon, Les Triangulations, 2015, maquette en balsa,
courtesy Galerie de Roussan
Les maquettes architecturales, présentées dans l’exposition, intitulées Les Triangulations, s’inspirent également des recherches picturales et architecturales du Quattrocento, en particulier de la Fresque du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti (vers 1290 -1348). A ceci près, qu’étirées, ces maquettes d’imagination, apparaissent comme des « hallucinations », et libèrent le spectateur des normes classiques. Lisibles par anamorphose, elles imposent un point de vue unique et une nouvelle réflexion sur la représentation de l’espace en trois dimensions.
On retrouve ces maquettes d’architecture dessinées comme des motifs d’une toile de Jouy dans Leurs surfaces reposantes, nouvel emprunt revisité des motifs décoratifs inventés par Jean-Baptiste Huet pour la Manufacture des toiles de Jouy. Claire Trotignon joue à détourner les codes classiques en contre collant son motif « anachronique » sur un plateau de jeu. L’artiste nous invite comme elle a s’amuser et s’émanciper des règles établies pour entrevoir de nouvelles perspectives graphiques.
Cette invitation à l’évasion, à la déconstruction, elle l’a met superbement en scène dans ses Explosions N°1 & N°2, véritables implosions du discours pictural mis en place dans les précédentes œuvres.
Claire Trotignon, Explosion n°1, étude pour la composition du retable, 2014, 30x40cm, collage gravure,
courtesy Galerie de Roussan
Le point d’orgue de cette exposition, est, sans nul doute, le Retable en trois dimensions, représentant lui aussi une immense explosion d’un flan rocheux de montagne. Dans un retable religieux classique la narration se fait d’un panneau à l’autre, ici elle est induite par l’idée d’éclatement. La fragmentation de l’explosion répond à celle de la structure compartimentée du panneau. La face peinte en rose fluo irradie un halo lumineux qui donne la sensation que cette œuvre génère de l’énergie. L’énergie induite par l’explosion représentée sur la face principale.
Claire Trotignon, Retable, 2015, 150 x150 x 5cm, dessin, collage gravure, bois, visserie,
courtesy Galerie de Roussan
Claire Trotignon, Let’s Build a home, à voir à la Galerie de Roussan, 47 Rue Chapon, 75003 Paris, du 14 mars au 2 mai 2015.
http://www.galeriederoussan.com
Présentation de l’artiste
Naissance : 1983
Age : 31 ans
Vit et travaille à Paris
http://clairetrotignon.tumblr.com
Formation :
2008 – Diplômée avec mention spéciale de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Tours.
Expositions (sélection) :
2012 – Salon de Montrouge + SLICK Art Fair avec l’éditeur Bernard Chauveau
2013 – Expose une installation au Centre Pompidou Metz + Exposition « L’échapée Belle » au Grand Palais.
2014 – Intègre la Galerie De Roussan – Salons Drawing Now, Soon Paris, Art Brussels
2015 – 1er Solo Show à la Galerie De Roussan – Foires Drawing Now, Art Paris.
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