Rencontre avec Romain Vicari dans son atelier
- Posted by Béatrice Cotte
- On 31 janvier 2017
Romain Vicari, jeune lauréat du Prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo 2016, nous ouvre les portes d’un nouvel espace d’ateliers et d’exposition à Aubervilliers ouvert par l’association Le Houloc. Ce lieu de 500m2, actuellement en pleine rénovation ouvrira normalement ses portes début juin. L’association fondée par d’anciens jeunes étudiants des Beaux Arts de Paris a pour but de soutenir la création et la recherche artistique ; faciliter le développement et la diffusion d’initiatives personnelles ou collectives, quels que soient les médias employés ; agir en faveur de la mise en commun de compétences, d’espaces et de moyens entre les artistes, les institutions et le public. Actuellement, dix-sept artistes partagent cet espace de création. Dans l’attente d’un nouvel atelier, Romain Vicari est « hébergé » temporairement par l’association Le Houloc.
C’est donc dans ce grand espace brut, couvert d’une verrière, qu’il nous accueille pour nous dévoiler ses dernières créations. Pour l’occasion, Romain Vicari a réalisé un accrochage spécial dans le futur espace d’exposition du Houloc.
Né en 1990 à Paris d’un père sicilien et d’une mère brésilienne, Romain Vicari quitte la France avec ses parents à l’âge de six ans. Après une courte étape en Thaïlande, la famille s’installe à São Paolo, où il vit ses années d’adolescence et développe une pratique du graffiti dans la rue. Après son bac, il décide de revenir étudier les Arts Plastiques en France, d’abord aux Beaux-Arts de Dijon, puis à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux –Arts de Paris dont il sort avec les félicitations du jury en 2014.
En avril 2015, nous découvrions son travail pour la première fois sur Follow Art with Me à l’occasion de la foire YIA confidentielle au Bastille Design Center (lire l’article), puis en octobre suivant lors de l’exposition des félicités de l’ENSBA de Paris : Les voyageurs.
Depuis, sa sortie de l’école, Romain Vicari a participé à de nombreux événements dédiés aux artistes émergents (Biennale de la jeune création, Salon de Montrouge…). Son travail a été remarqué par de nombreux professionnels et collectionneurs, ce qui lui a valu d’être sélectionné parmi les trois finalistes pour le projet du Patio 2017 de la Maison Rouge, et de remporter en ce tout début d’année le Prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo.
La vitalité, la modernité et la poésie tropicale de son travail, nous ont donné envie d’en découvrir un peu plus sur cet artiste multiculturel et ses différentes pratiques artistiques.
Rendez-vous a donc été pris pour une visite d’atelier, mais Romain Vicari allait une fois de plus nous surprendre et nous offrir un nouveau visage de son travail. Dans une exposition savamment agencée par l’artiste, mêlant anciens et nouveaux travaux, s’offrait à nous un mur de peintures!
Face à nous, une toile abstraite de grand format aux tons sourds, relevés de quelques tâches de couleurs posées comme des miroitements de la lumière sur une eau sombre, dialoguait avec un diptyque sur le devant duquel se déploient deux tiges métalliques recouvertes de résine colorée. A gauche une structure aérienne en forme de O stylisé se superposait à une toile carrée, créant une constellation toute personnelle et développant un nouveau langage artistique.
Romain Vicari, m’explique que cette nouvelle série de travaux résulte d’une volonté d’explorer d’autres médiums. Connu pour ses installations faites d’éléments de récupération, de plâtre, de matériaux de chantier, spray, sable, vidéos, l’artiste dévoile aujourd’hui une envie profonde d’utiliser la peinture comme une nouvelle voie d’expérimentation. Pour lui, les formes abstraites qu’il a développées auparavant et la pratique de la résine qui consiste à mélanger des colorants se rapprochent des effets de la peinture.
Ses toiles, il les voit comme des objets accrochés au mur qui sont des parties intégrantes d’une installation.
Pour cette série, intitulée visions, il trouve l’inspiration dans sa culture brésilienne et le Manifeste anthropophage de 1928 d’Oswald de Andrade (1890-1954)1. Elles sont comme des visions d’indiens chamanes, mais aussi des réminiscences d’une végétation tropicale.
Les sculptures en résine qui se superposent aux peintures et sortent du cadre, sont elles inspirées des pixadores, tracés énigmatiques des tagueurs de São Paolo, qui extraient de l’alphabet runique le style crypté de leurs lettrages. Comme le souligne très justement le critique d’art Franck Balland, les phénomènes de digestion de différentes cultures sont ici manifestes chez Romain Vicari.
La lumière zénithale qui traverse la résine et le jeu des couleurs changeantes au fil de la journée, donne vie aux œuvres. L’artiste aime visiblement jouer avec ces effets entre sa peinture et ses sculptures, qu’il place et déplace les unes par rapport aux autres au fil de ses inspirations et de ses installations. L’art de Romain Vicari est en perpétuelle mutation et génère à chaque étape un langage singulier et nouveau.
Depuis le Prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo, ce jeune artiste est en contact avec différentes galeries et prépare plusieurs expositions collectives, un solo show à Genève et un autre à Dornes2, ainsi que sa future exposition au Palais de Tokyo en 2018. De nombreuses perspectives professionnelles, qui devraient nous offrir d’autres belles surprises, et permettre à ce jeune artiste d’asseoir et affirmer son formidable talent !
Béatrice Cotte
- « En 1928, Oswald de Andrade (1890-1954) signe le Manifeste anthropophage ; un poème hybride, à la frontière de l’essai, considéré aujourd’hui comme l’un des textes fondateur de la modernité au Brésil. Né à São Paulo, Andrade y défend l’idée que ce qui constitue « socialement », « économiquement » et « philosophiquement »2 l’identité brésilienne est la pratique anthropophage. Hérité des Tupis – un groupe de tribus amérindiennes installées sur la côte Est du pays, à l’embouchure de l’Amazone –, ce rituel n’a chez eux rien d’un cannibalisme aveugle : c’est au contraire un acte sophistiqué, pour lequel la dévoration de l’ennemi ne représente pas tant une opportunité alimentaire qu’un moyen d’inscrire dans la mémoire de son propre corps, par absorption, les qualités d’un autre ayant été préalablement choisi par la tribu. Par extension, cette volonté d’assimilation est devenue le symbole d’une culture brésilienne hétérogène, qui s’est construite à partir d’influences diverses, greffées aux bifurcations de ses racines indigènes. » Texte de Franck Balland sur l’œuvre de Romain Vicari.
2. Expositions à venir
– Exposition Collective : Nobis Passio§Délerue – 24 février au 2 mars 2017 – Nantes
– Exposition Collective : D-Structure – 03 au 26 mars 2017 – Le Carré D’art – 77000 Serris
– Solo Show – Parc Saint Léger – 9 Mars – fin avril 2017 – Centre d’Art Contemporain Hors les Murs – Dornes 58390
– Solo Show – 16 Mars – fin avril 2017 – Air Project Gallery – Genève / Suisse
– Sans Titre 3 – 31 mars 2017 – Appartement 45 Quai de la Tournelle – Paris 75005
– Exposition Collective : 2A1 – 7 avril 2017 – Galerie R-2 – 75015 Paris
– Exposition Collective : 31 mai 2017 – Madrague Ville 2 – Marseille
0 Comments