FRIEZE, FIAC, SLICK, YIA : résumé d’une semaine folle, en mode « French Touch »

Posted by Béatrice Cotte
On 29 octobre 2014
Fiac Paris, Frieze Londres

La semaine dernière, j’ai arpenté les foires d’art contemporain et les événements « off » sur un rythme effréné, frôlant, je l’avoue aujourd’hui le Burn Out/Art…

Pour éviter l’overdose, j’ai décidé de me concentrer sur les galeries et artistes que je suis maintenant depuis plus de trois ans sur ce blog. L’occasion de faire un point sur l’évolution et la carrière de chacun. (Les * renvoient en fin de texte aux articles précédemment consacrés dans ce blog aux artistes cités)

FRIEZE LONDON – Stand Gavin Brown’s – Solo show Rob Pruitt

Le marathon a débuté fin de semaine dernière avec Frieze London Art Fair , où je dois l’avouer je me suis bien ennuyée. Pas de révélations sur cette foire très commerciale. Notons cependant, quelques très belles mises en scène comme celles de:

la Galerie Almine Rech, et le solo show de Mark Hagen, a parliament of some things,
le solo show de Rob Pruitt sur le stand de Gavin Brown’s,
la poésie d’une sculpture « nuage » en métal et miroirs de Tomas Saraceno(NGC 5892, 2013) flottant devant un wallpaperde Thomas Demand, Hanami, 2014, sur le stand d’Esther Schipper,
la Galerie Tanya Bonakdar et l’heureux mariage d’une peinture de Thomas Scheibitz, Studio, 2012 et d’une sculpture masque de Martin Boyce.

FRIEZE LONDON – Stand Raster – Solo show Slavs & Tatars

J’ai également remarqué sur la foire le retour de pièces d’art textile, comme les tapis de Slavs and Tatars présentés par la galerie polonaise Raster, et dont une pièce a été acquise par la Tate Modern Gallery, et deux magnifiques tapisseries de Goshka Macuga, artiste polonaise installée en Angleterre, sur les stands des galeries Andrew Kreps et Blum & Poe. Après une longue période de désamour, l’art textile revient à l’honneur. Les institutions et par ricochet les collectionneurs semblent à nouveau s’y intéresser. Le prix des tapisseries d’Aubusson de l’époque de Jean Lurçat (1892-1966) augmente régulièrement et l’exposition Decorum, tapis et tapisseries d’artistes du Musée d’art Moderne de la Ville de Paris semble avoir relancé l’intérêt vis-à-vis de l’art textile. Ainsi, à la foire de Frieze une pièce de Caroline Achaintre(artiste française) s’est vendue 11 000 £.

Caroline Achaintre, Befor, 2013, laine tissée, 250 x 180cm,
Courtesy Arcade Fine Arts

Dimanche 19 octobre à 10h – j’ai filé à l’événement Chambres à part IX, organisé dans un hôtel particulier du XVI^èmearrondissement, où, Laurence Dreyfus, conseillère en art et commissaire d’exposition, présentait dans le cadre du Parcours Privé de la FIAC une sélection d’œuvres. Cette neuvième édition proposait un focus particulier sur la jeune génération, dite « post Internet » représentée par Jon Rafman, Olivier Laric, Aleksandra Domanovic et Parker Ito. La génération émergente française était représentée par Charlotte Cornaton et Lionel Sabatté.

CHAMBRE A PART IX – Dessins de Lionel Sabatté

Dimanche 19 octobre à 21h – je me suis rendue à l’inauguration de l’exposition Inside au Palais de Tokyo ; l’occasion d’apporter et de renouveler mon soutien à deux artistes que j’apprécie tout particulièrement Eva Jospin et Enrique Ramirez.

PALAIS DE TOKYO – EXPOSITION « INSIDE »- Forêt en carton – Eva Jospin

Lors de l’interview d’Eva Jospin* nous avions évoqué son long travail de découpage, d’assemblage et de superposition de carton pour créer des forêts denses et délicates, énigmatiques et apaisantes à la fois. Pour ceux qui souhaitent découvrir ou redécouvrir son œuvre, je les invite à visiter sans plus tarder cette magnifique exposition, dans laquelle on pénètre en traversant une forêt mystérieuse de l’artiste. Traverser cette forêt, c’est initier la visite de l’exposition « Inside » qui est un véritable voyage intérieur. Le Lieu d’une rencontre avec soi-même. L’occasion d’admirer également les œuvres des jeunes artistes français comme, Dove Allouche, Abraham Poincheval, Stéphane Thidet(et sa déroutante cabane en bois, dans laquelle, il pleut à l’intérieur), Jean-Marie Appriou, Virginie Gouband, et Louise Pressager.

Ma première rencontre avec Enrique Ramirez* date de 2012, lorsque je l’avais repéré sur le salon Jeune Création.

Rentré depuis dans l’écurie d’artistes de la Galerie Michel Rein, Henrique multiplie les nominations à des prix d’art contemporain. Exposé au Palais de Tokyodans le cadre des Modules de la Fondation Pierre Berger-Yves Saint Laurent, Enrique Ramirez a remporté le Prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo 2014 et présente un triptyque vidéo Los Durmientes. Dans ce film très émouvant, poétique et onirique, il revient sur les abominations de la dictature chilienne et évoque des victimes jetées à la mer depuis des hélicoptères…

Finaliste également du Prix Meurice pour l’art contemporain 2014/2015, j’ai retrouvé l’artiste le lendemain matin à l’Hôtel Meurice où il présentait son œuvre El Pais de Jaula, une installation composée de 4 vidéos qui s’inspire d’un jeu créé à Naples au XIV^èmesiècle. Cette histoire est à l’origine de la légende du pays de Cocagne et le jeu est resté très populaire au Chili.

Enrique Ramirez, photographie, courtesy Galerie Michel Rein

La Galerie Michel Rein présentait quand à elle sur la FIACun exemplaire de la photographie El Diablo, 2011, présentée deux ans plutôt à l’exposition Jeune Création. Le Fonds Municipal d’art contemporain de la Ville de Paris, qui présentait à la FIAC ses dernières acquisitions, exposait également une œuvre d’Enrique Ramirez, Cruzar un muro, 2013. Un artiste sous les feux de l’actualité que nous allons donc continuer à suivre avec beaucoup d’attention sur Follow Art With Me !

Mardi 21 octobre 12h – rendez-vous à la preview presse de la foire SLICK/ATTITUDE. Malheureusement victime de tensions et d’histoires internes, cette foire « off » a perdu de sa vitalité. Inégale dans son contenu, elle était portée par la présence des galeries « piliers », fidèles acteurs de l’événement depuis son lancement. Saluons donc les propositions de :

La Galerie Claire Gastaud autour des fabuleux dessins d’Alain Josseau (gagnant du Prix Slick 2013*), des photographies de Nils Udo, de Georges Rousse et des vidéos de Samuel Rousseau ;
La Galerie Laure Roynette avec la vidéo Mamma Mia de Romina de Novellis*, présentée sur La Plateforme, nouvel espace de 150m² conçu comme une exposition dans la foire ;
De Bernard Chauveau Editeur avec ses sérigraphies de Françoise Pétrovitch et de Claire Trotignon*.

SLICK/ATTITUDE – STAND GALERIE CLAIRE GASTAUD – Dessins d’Alain Josseau

Pour les nouveautés, notons la première participation de Marie Hudelot* (artiste découverte il y a quelques mois) via sa Galerie Rivière/Faiveley et pour la révélation de cette édition Slick 2014l’installation de l’artiste Thomas Teurlai, Chopper Desk, qui a remporté le 6^ème Prix Arte / Beaux arts Magazine.

Thomas Theurial, installation Chopper Desk, courtesy Galerie Jérôme Pauchant

Mardi 21 octobre 15h – Après une heure de Batobus, me voici enfin arrivée aux Docks de la Cité de la Mode et du Design pour l’ouverture de la Fiac (off)icielle. Deuxième déception de la journée…Vite envahie par le monde, l’espace choisi par Jennifer Flay pour sa foire « off » montrait ses limites d’exposition. Bas de plafond, petits stands, allées étroites, lumière artificielle, la visite de la foire s’est révélée peu propice à la contemplation des œuvres. Un espace étouffé/étouffant, dépourvu de charme, doublé d’une offre artistique peu enthousiasmante. On parlait dans la presse de salon des refusés…à écouter les réflexions et le sentiment général sur la qualité de l’événement proposé, la Fiac (off) a fait un « flop » !

FIAC (OFF)ICIELLE – STAND GALERIE ISABELLE GOUNOD

Parmi les 68 exposants, 24 galeries françaises, et parmi elles retenons les stands de :

La Galerie Sémiose, injustement « déclassée » du Secteur Galeries Lafayette du Grand Palais, qui proposait cette année une mise en scène « sylvestre » rafraîchissante ;
La Galerie Isabelle Gounod exposant de belles peintures de Maud Maris;
La Galerie Melanie Rio, présentant la sculpture en marbre blanc Rosa Luxembourg de Nicolas Milhé, lauréat du Prix Maif pour la Sculpture2014,
La Galerie Dukan avec des œuvres de Jean-Xavier Renaudhautes en couleurs et un poil « provoc », de quoi rougir de plaisir dans un paysage plutôt monotone !

Nicolas Milhé, Rosa Luxembourg, courtesy Galerie Melanie Rio

Mardi 21 octobre 17h30 – Au pas de course, je rejoins Laure Roynette pour la performance de Romina de Novellis*et Luc Petton, Augurii, dans la Ménagerie du Jardin des Plantes. Après l’entretien que nous avions eu avec Romina en décembre 2013, j’avais hâte de découvrir son nouveau travail. Assise telle une reine égyptienne trônant au milieu de la Fauverie, sa fille de trois mois dans les bras, et entourée par des hommes, femmes et enfants mangeant des grenades, elle imposait la force de sa pensée. Malgré l’absence des vautours initialement prévus, l’artiste nous livrait une réflexion sur le corps et le pouvoir.

FIAC HORS LES MURS – PERFORMANCE – Romina de Novellis et Luc Petton, Augurii, Galerie Laure Roynette

L’œuvre vidéo accompagnant la performance met en scène le dialogue corporel et mental entre une femme et des vautours. La femme symbolisant l’humanité dans sa fragilité, et les vautours, emblèmes de mort. L’artiste rappelle cependant que les vautours sont aussi contradictoirement symboles de fertilité et de maternité chez les égyptiens. On peut voir dans cette performance métaphorique la représentation d’un certain duel entre l’humain et la société qu’il induit.

FIAC HORS LES MURS – Julien Salaud, Le Printemps, courtesy Galerie Suzanne Tarasiève

En sortant du Jardin des Plantes, j’observe Le Printemps de Julien Salaud, artiste vainqueur du Salon de Montrouge2010, représenté depuis par la Galerie Suzanne Tarasiève. Le Faune de cerf, évocation du mythologique Centaure, finit tout en majesté une journée finalement elle aussi hybride, mi décevante, mi enthousiasmante…

FIAC 2014 – Galerie Neugerriemschneider – solo show d’ Olafur Eliasson

Mercredi 23 octobre 10h – Le marathon continu, mais cette fois-ci au cœur du sujet de la semaine la FIAC. Après un début de semaine mitigé, elle balaie d’un coup, d’un seul, toutes mes visites précédentes et dame le pion à sa concurrente anglaise Frieze London. On nous l’avait annoncé dans tous les médias, avec la réouverture du Musée Picasso, l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton, l’exposition Sonia Delaunay, la réouverture de La Monnaie de Paris, cette édition de la FIAC, qui fédérait tous ces événements majeurs autour d’elle, serait « éclatante ». Donnant l’occasion à Paris de redevenir le temps d’une semaine, le centre du monde, la capitale des arts, la Ville-Lumière par excellence ! Force est de constater que les augures ne s’étaient pas trompés. Enfin, j’arpentais les allées d’une foire avec l’impression d’en prendre pleins les yeux à chaque stand, une vraie bouffée d’oxygène. La sensation également d’être ailleurs en entendant parler toutes les langues, une foire d’envergure vraiment internationale.

Céleste Boursier Mougenot, Persistance, 2014, courtesy Galerie Xippas

La FIAC exposait 42 galeries françaises pour 191 galeries au total dont 45 galeries américaines, 26 galeries allemandes, 14 galeries anglaises. Si elle profite aujourd’hui d’une aura mondiale, elle pourrait pour les éditions à venir prendre comme nouveau cheval de bataille la promotion active de la scène artistique française à l’international. Le rayonnement s’opère déjà grâce à des artistes comme Camille Henrot, Lion d’argent à la dernière Biennale de Venise, présente sur le stand de la Galerie Kamel Mennour avec Melatonin Mind, 2014. Laure Prouvost, Turner Prize 2014 et dont la vidéo Swallow, 2013, tournait en boucle sur le stand de la Galerie MOT INTERNATIONAL. Céleste Boursier Mougenot, prochain représentant de la France à la Biennale de Venise, dont la Galerie Xippas présentait Persistance, 2014.

FIAC 2014 – Latifah Echakhch– Galerie Kaufmann Repetto

On ne comptait plus les toiles de Latifah Echakhch*, gagnante du Prix Marcel Duchamp 2013, présente sur les stands de Kaufmann Repetto, Dvir Gallery, Eva Presenhuber…Cette année le prestigieux prix français revient à la vidéo What Shall We Do Next de Julien Prévieux.

FIAC 2014 – PRIX MARCEL DUCHAMP – Proposition de Théo Mercier

Nominé également pour le Prix Marcel Duchamp, Théo Mercier, découvert en 2009 au Salon de Montrouge, était présent avec plusieurs œuvres sur le stand de la Galerie Gabrielle Maubrie.

FIAC 2014 – STAND GALERIE ISABELLE BORTOLOZZI – solo show de Wu Tsang

Le prix de la plus belle scénographie, s’il existait, aurait sans nul doute était remis à la Galerie Neugerriemschneiderpour son solo show d’Olafur Eliasson et le deuxième prix à la Galerie Isabelle Bortolozzi pour le solo show de l’artiste Wu Tsang.

FIAC 2014 – STAND DE LA GALERIE KARSTEN GREVE – peintures de Raul Illaramendi

Parmi les artistes que nous suivons sur le blog, citons les peintures de Raul Illaramendi*, vendues 8000 euros, et les œuvres de Georgia Russell chez Karsten Greve. Cette dernière amorce un nouveau virage en abandonnant les représentations de paysages pour des constructions abstraites et colorées de toute beauté, vendues 19 500 euros. Deux artistes dont la cote ne cesse d’augmenter !

FIAC 2014 – STAND DE LA GALERIE KARSTEN GREVE – oeuvre de Georgia Russell

Je finis cette visite de la FIAC par mes deux coups de cœur « français » :

– l’artiste/philosophe Benoît Maire présenté sur le stand de la Galerie Cortex Athletico, et son projet LETRE récemment exposé à la Fondation Hermès à Bruxelles, dont le bronze, Le concept de Cordélia, extrait de ce projet était vendu 6000 euros.

Benoît Maire, Le concept de Cordelia, sculpture en bronze, courtesy Galerie Cortex Athletico

– Claire Tabouret*, exposée pour la première fois à la FIAC, grâce à sa nouvelle galerie Bugada & Cargnel. L’artiste présentait deux nouvelles séries, Les diadèmes et Les Débutantes 1, explorant la thématique du bal des débutantes et à travers elle le rite du passage à l’âge adulte. Vendues respectivement 5000 euros et 36 000 euros.

Claire Tabouret, Les Débutantes 1, acrylique sur toile, 230 cm x 330 cm
courtesy Galerie Bugada et Cargnel

Jeudi 24 octobre 10h – YIA. Pour la quatrième édition de son événement, Romain Tichit a ancré la Young Art International Art Fair dans le Marais, en rassemblant tous ses exposants dans le magnifique bâtiment rénové du Carreau du Temple. La Foire, bien qu’éclatée l’année dernière dans cinq lieux différents, avait su convaincre grâce à un bon niveau général, porté par des galeries de premier ordre comme Suzanne Tarasiève, Hervé Loevenbruck, ou Frank Elbaz, exposant parallèlement à la FIAC. Malheureusement, cette année, comme Slick, cette foire « off » a souffert de l’absence de ces très bonnes galeries, ouvrant les portes à de nouvelles et plus jeunes galeries étrangères, au niveau très inégal. C’est bien dommage, car à l’inverse de la Fiac (off)icielle, YIAbénéficiait d’un lieu mieux adapté à ce genre de manifestation…Nous retiendrons cependant de belles découvertes comme le travail tout en délicatesse de l’artiste Sara Favriau à la Galerie Maubert.

YIA 2014 – Installation de Sara Favriau– courtesy Galerie Maubert

Les dessins de l’artiste indien Shine Sivan à la Galerie Herné Perdriolle. Les plaques colorées de plexiglas gravées de Mélanie Vincent à la Galerie Papelart. Enfin, une mention spéciale pour la scénographie de la Galerie Van Der Grinten, qui présentait une nouvelle facette du travail de Simon Schubert autour du noir. L’artiste nous avait habitué à des compositions blanches immaculées en papier plié, le voilà explorant toutes les possibilités du noir carbone. Mentionnons également les rouleaux de papier de Thomas Henriot*sur la Galerie Céline Moine.

YIA 2014 – STAND GALERIE VAN DER GRITEN – solo show Simon Schubert

Enfin pour terminer ce marathon artistique à travers notre rayonnante capitale, je laisserai « l’œuvre » de la fin au duo None Futbol Club qui présentait sur le stand de la Galerie Derouillon un grand lampadaire Haussmannien, « relique » de leur projet pour la Nuit Blanche, où les deux artistes avaient remplacé toutes les ampoules des luminaires du Pont de Tolbiac par des gyrophares. Un détournement théâtral, qui, le temps d’une nuit, a illuminé la Seine d’une lumière bleue et rendu un bel hommage à notre Ville -Lumière !