ART PARIS 2014 : « Focus sur 5 jeunes galeries françaises »
- Posted by Béatrice Cotte
- On 1 avril 2014
- 2014, Foire Art contemporain, Galeries d'art, Paris
Que faudra-t-il retenir de cette édition 2014 d’Art Paris Art Fair ? Le succès de son vernissage, avec pas moins de 15 000 invités se bousculant mercredi dernier sur les stands ou le bilan plutôt morose des galeristes et les allées désertées des journées suivantes ? Pour ma part, je n’ai pas été emballée par une proposition certes riche mais inégale et surtout dispersée !
Cette année, la Chine était à l’honneur, mais on peut regretter que les organisateurs n’aient pas proposé une plate forme plus centrale autour de la thématique chinoise, pour créer une articulation plus claire et impactante de la manifestation. Ainsi, fallait-il parcourir les deux premières allées du Secteur Général et du Design avant de déboucher sur les galeries entièrement dédiées à l’art chinois. L’exposition du Prix Canson, était elle scindée en deux, d’un bout à l’autre de la grande nef du Grand Palais…Ajoutons à cela, le mélange de l’art moderne et de l’art contemporain dans le Secteur Général et vous ressortiez inévitablement avec une vision un peu brouillée de l’événement !
Art Paris 2014 – 14h00 vendredi – Il n’y a pas foule ! |
Malgré une mise en lumière intéressante de la scène chinoise contemporaine, avec plus de 90 artistes représentés, (découvrez une sélection de photos sur la page facebook du blog : www.facebook.com/followartwithme), mon œil s’est finalement arrêté sur les propositions construites et cohérentes de cinq jeunes galeristes français. Face à une vague rouge qui a fait la une de tous les médias, il m’a semblé intéressant de poser un autre regard sur l’événement.
Disséminées aux quatre coins de la foire, chacune de ces galeries proposait un regard rafraîchissant sur la jeune scène contemporaine, un accrochage soigné et un dialogue entre les œuvres réfléchi et esthétique, ce qui n’était malheureusement pas le cas de toutes les galeries. Certaines, poussant même le manque d’originalité jusqu’à exposer les mêmes œuvres que l’année dernière !
Sur les cinq galeries de moins de cinq ans sélectionnées pour ce focus, (Galerie ALB, Galerie Derouillon, Galerie Maubert, Galerie Un-Spaced, Galerie Bertrand Grimont) quatre exposaient pour la première fois (La Galerie Bertrand Grimont en étant à sa deuxième participation) et une seule est dirigée par une femme (Galerie ALB).
The Kid, sculpture en silicone peint, courtesy Galerie ALB |
Honneur donc à Anouk Le Bourdiec, d’autant plus que cette dernière a fait sensation en pariant sur un très jeune artiste et une œuvre quelque peu dérangeante. Une sculpture hyperréaliste d’une jeune femme accouchant d’un bébé marqué au front par le sceau des gangs américains. Une œuvre choc et crue pour un pari osé mais gagnant. Résultat, un stand qui n’a pas désempli de toute la manifestation, phénomène plutôt rare pour cette édition, et une première participation à Art Paris très remarquée! Carton plein donc pour la Galerie Anouk Le Bourdiec.
GALERIE ALB – ANOUK LE BOURDIEC
Anouk Le Bourdiec directrice de la Galerie ALB |
La Galerie ALBa ouvert en septembre 2011. Depuis sa création Anouk Le Bourdiec présente et défend quinze artistes de la jeune scène contemporaine française. A travers des foires et de nombreuses expositions collectives ou solo show dans sa galerie, elle dévoile son choix artistique de montrer l’art contemporain sous toutes ses formes : peinture, dessin, photographie et installation.
Art Paris 2014 – secteur Promesses – Stand de la Galerie ALB |
Pour Art Paris 2014, Anouk Le Bourdiec a dévoilé trois nouvelles œuvres créées en 2014 par The Kid. Cet artiste autodidacte, étonne par son incroyable technicité et par la violence des sujets qu’il développe autour du déterminisme social.
The Kid, The morning I was born again, 2014, dessin au stylo Bic, 340 x 185 cm, courtesy Galerie ALB |
Les deux immenses dessins réalisés au stylo Bic, portraits de jeunes adolescents incarcérés dans des prisons américaines, révèlent la virtuosité du trait de cet incroyable artiste, seulement âgé de 22 ans. Dans The morning I was born again, il représente un jeune homme qui vient de se suicider dans sa cellule. La position du corps gisant sur le drapeau américain, rappelle celle du Christ dans son linceul et la représentation dramatique de La Mise au tombeau du Caravage.
La galerie présentait également en avant première la nouvelle série Dystopia small de Samuel Martin, ainsi qu’un saisissant tableau, portrait de Sainte Lucie aux tons verts irradiants de Florence Obrecht.
Florence Obrecht, Sainte Lucie, peinture, 180 x 250 cm, courtesy Galerie ALB |
Pour sa première participation à Art Paris, Anouk Le Bourdiec nous confiait : « Je suis très contente. J’ai rencontré un nombre incroyable de nouveaux collectionneurs, j’ai surpris dans le bon sens. Les œuvres ont toutes trouvées preneurs. Cet événement a apporté une bulle d’oxygène à la galerie pour financièrement réaliser dans de très bonnes conditions les futures expositions et faire ainsi avancer de nombreux projets.
Les foires sont des phases très courtes où l’on est amené à se faire remarquer. C’est un Show et nous l’avons fait ! »
GALERIE DEROUILLON
La Galerie Derouillon, fondée par Benjamin Derouillon, a ouvert ses portes en septembre 2012 dans le quartier bouillonnant du Haut-Marais à Paris. Depuis sa création, la galerie parisienne s’engage dans un esprit de totale liberté, à défendre une nouvelle génération de jeunes artistes contemporains, français et internationaux parmi lesquels Fabien Boitard, Nils Guadagnin, Nøne Futbol Club, Roman Moriceau, Micky Clément, Yué Wuet le photographe allemand Jonas Unger.
Jonas Unger, Adele, Photographie, courtesy Galerie Derouillon |
Par cette sélection pointue, la galerie affirme son désir de présenter une vision singulière de l’art d’aujourd’hui dans sa diversité de modes d’expression. Chacun de ces artistes développe une oeuvre exigeante et ludique en rupture avec les codes établis du dessin, de la peinture, de la photographie et de la sculpture. La galerie construit des relations fortes avec ses artistes collaborant avec eux souvent dès le début de leur carrière. Elle a notamment révélé le duo subversif Nøne Futbol Club (Lauréat du 58ème Salon de Montrouge, Biennale de Lyon 2013) dont elle a organisé les premières expositions personnelles en France.
Pour Art Paris Art Fair, la Galerie Derouillon présentait un panorama des jeunes talents émergents qu’elle représente sous l’angle du détournement des codes, images et symboles du monde consumériste. La critique surgit entre autres avec l’œuvre acide Work n° 54-1 : Keep warm burnout the rich, réalisée par les Nøne Futbol Club.
Nøne Futbol Club, Work nº054-1 : Keep warm burnout the rich, mobile 2011, éd.3, acier forgé, 105 x 200cm, courtesy Galerie Derouillon |
Work nº054-1 : Keep warm burnout the rich est un tampon métallique destiné au marquage industriel des bestiaux, qui servirait ici à imprimer au fer rouge le slogan « Chauffez-vous, brûlez les riches ».
« Ici, le Nøne Futbol Club crée une pièce née du courroux de la jeunesse, qui d’Athènes à Madrid, de Tunis au Caire, élève la voix, de part et d’autre de la Mer intérieure, face aux outrances d’un système déréglé et d’une crise globale difficile à juguler. Keep warm burnout the rich [Chauffez-vous, brûlez les riches] reprend en effet un graffiti vu pendant les émeutes de 2008, à Athènes dans le quartier d’Exarcheia, foyer de la contestation actuelle et pépinière de toutes les insurrections de la capitale grecque, depuis les années 1960. » (Fabrice Vannier, extrait)
Nils Guadagnin, Relic, 2012, sac plastique, aimant, courtesy Galerie Derouillon |
La galerie présentait également d’étonnantes sérigraphies à l’huile de vidange de Roman Moriceau et gravures originales de l’artiste d’origine chinoise Yué. Avec sa photographie, Jonas Unger, quand à lui, réinterprète le genre du portrait classique, rompant avec le constat froid et mécanique des conventions de la représentation. Le plasticien Nils Guadagninrevisitait à travers l’œuvre Relic, sac plastique en suspension, les procédés sculpturaux en questionnant les limites matérielles et perceptibles d’éléments qui structurent notre environnement. Enfin le spectateur était invité à projeter son imaginaire dans les intenses paysages de Micky Clément et la peinture décalée et fougueuse de Fabien Boitard.
GALERIE MAUBERT
Charles Rischard et Florent Maubert sur le stand de la Galerie Maubert |
La Galerie Maubert, fondée par Florent Maubert, défend aussi bien des artistes émergents que déjà reconnus, notamment au niveau institutionnel, muséal ou dans le marché de l’art.
Elle a choisi de confronter les médiums, faire dialoguer les oeuvres, aborder les arts sous l’angle de la comparaison. En orientant son travail vers une lecture thématique, elle souligne la façon dont les artistes s’enrichissent les uns des autres, dans la mixité des genres et des médiums.
Art Paris 2014 – secteur général – Stand de la Galerie Maubert |
Pour Art Paris 2014, la galerie a réalisé un accrochage autour de la thématique : Formes tracées. Une exposition qui témoigne de l’attention portée par des artistes – peintres, sculpteurs, photo- graphes et vidéastes – à l’apparition et la construction des formes qui délimitent notre monde. Tracées selon la contrainte de l’artiste, révélées par un geste libre, transcendées par le mystère de la nature, de la matière, du corps, détruites par le feu, ces formes sont comme des sentinelles qui transforment la réalité, jouent avec notre imaginaire et notre perception. Elles nous confrontent à la puissance de la nature et des astres, dressent le paysage de nos inquiétudes. Elles nous guident dans la poésie d’un monde sur lequel on se penche, tout comme on se penche sur ces images et ces formes.
Jules Guissart, Poli, acier rouillé, 200 x 100cm, 2013, courtesy Galerie Maubert |
Ainsi les œuvres des artistes Larry Bell, Sung Pil Chae, Gabrielle Conilh de Beyssac, Adrien Couvrat, Eric Guglielmi, Jules Guissart, Arnaud Lesage, Shahar Marcus, Payramet Gal Weinstein, dialoguaient entres-elles dans une scénographie savamment orchestrée pour le stand.
Sung Pil Chae, Terre anonyme, 2013, 158 x 158cm, courtesy Galerie Maubert |
J’ai tout spécialement admiré l’œuvre de l’artiste coréen, Sung Pil CHAE (né en 1972, à Jindo, en Corée du Sud), qui puise son origine dans l’idée et souvent le ressenti d’une nostalgie de la terre. La terre de son enfance, celle qu’il a quittée, il y a plus de 15 ans, pour rejoindre la civilisation matérielle des grandes villes. C’est dans cet écart de perception que Sung-Pil CHAE trouve son inspiration. « Mes recherches sont en fait celles d’un espace de la terre, où le motif, le sujet et la matière s’unissent. J’ai développé depuis quelques années une réflexion sur l’origine des formes de la nature. Je propose au regard l’émergence de paysages “matiéristes”, fondés sur une poïétique picturale analogue aux modes de productions de la nature elle-même. »
La modernité occidentale rencontre ainsi la tradition du paysage oriental. Terre et eau créent un “espace source” qui au plan visuel fait naitre des sols, des paysages, un territoire de richesses essentielles; une culture spirituelle aussi bien que féconde matériellement. Une Terre Sacrée. Tout simplement sublime !
GALERIE UN-SPACED
Hugues Albes Nicoux sur le stand de la Galerie Un-Spaced |
Créé en Septembre 2013, UN-SPACED se définit comme un espace singulier d’exposition et de diffusion des œuvres. Fort d’une première expérience en tant que galeriste, son directeur Hugues Albes Nicoux explore un nouveau modèle axé sur la production des œuvres et la visibilité des artistes. Dans ce sens, le projet développe sa programmation en deux temps : celui des expositions hors les murs et celui des foires.
La galerie délaisse l’espace du White Cube pour laisser place à une suite d’expositions hors site visant à faire découvrir à un nouveau public une sélection d’artistes émergents et confirmés. Collaborant avec une sélection de partenaires (galeries, project spaces, collectifs d’artistes), UN-SPACED investit à chaque invitation un nouveau lieu et élabore une proposition en accord avec ses artistes.
Art Paris 2014 – secteur général – Stand de la Galerie Un-Spaced |
Le choix des artistes reste le résultat d’une vraie rencontre avec une œuvre et une personnalité. Il est évident qu’un des enjeux de la galerie demeure la vente d’œuvres mais l’accompagnement ainsi que la visibilité apportée aux artistes reste une motivation permanente.
La visibilité s’impose aujourd’hui comme l’enjeu majeur dans le développement d’un artiste. La singularité de la galerie réside dans une répartition différente des coûts visant à maximiser la diffusion des œuvres et des artistes. Les charges dédiées habituellement à un loyer sont ainsi transférées vers le financement de foires et d’évènements offrant un rayonnement conséquent en terme de public.
Ainsi, la galerie accompagne ses talents au sein de projets spécifiques et les invite à imaginer des stands ambitieux en vue de foires.
Sylvie Bonnot, sans titre, 2013, courtesy Un-Spaced |
UN-SPACED présentait sur Art Paris 2014, une sélection de travaux de Sylvie Bonnot (découverte au Salon de Montrouge en 2013) et Eric Tabuchi dont la pratique respective révèle une fascination pour les lieux désertés ou méconnus. Déployant une approche personnelle, les deux artistes interrogent la question du territoire par le biais de l’image. En résulte une variété d’architectures et paysages oscillant entre référent et imaginaire, où l’image photographique se transforme tantôt en sculpture, tantôt en installation.
Eric Tabuchi, station (Brancusi) & Station (Venus), 2010, courtesy Un-Spaced |
On pouvait également admirer sur le stand les sculptures et dessins de Sebastian Wickeroth d’une précision absolue, et qui font preuve d’une parfaite monochromie et géométrie, où la neutralité dégagée fait plus référence à la fabrication industrielle qu’à la peinture minimale.
GALERIE BERTRAND GRIMONT
Bertrand Grimont à côté des oeuvres de Geneviève Claisse |
Ouverte depuis décembre 2008, la Galerie Bertrand Grimont représente des artistes émergents français et étrangers. Utilisant des médiums aussi variés que la peinture, le dessin, la sculpture, l’installation, la photographie ou la vidéo, chacun de ses artistes développe une œuvre exigeante, parfois nourrie d’autres champs disciplinaires tels que le design et l’architecture. Hors de toute démonstration, la galerie s’attache à présenter des travaux qui, à travers une certaine culture des matériaux, interrogent notre rapport au réel.
A droite sculpture de Jean-François Leroy |
Ce dialogue avec le monde s’articule entre un questionnement permanent, inhérent au travail de chaque artiste, et une mise en forme qui fuit le clinquant et le spectaculaire. L’ensemble des œuvres présentées est le résultat, forcément transitoire, d’une recherche en cours. Les projets soutenus peuvent prendre forme hors les murs et s’intégrer à des cycles à long terme. Les interactions issues des rencontres avec les acteurs du monde de l’art enrichissent les pratiques et offrent l’opportunité de déployer un travail dans des lieux et des situations autres.
Afin d’accompagner chaque artiste dans l’accomplissement de son travail, la galerie développe une démarche de fond faite de collaborations et d’échanges. Autour d’une ligne directrice forte, l’équipe réunie par Bertrand Grimont prend une part active aux différents projets.
Art Paris 2014 – secteur général – Stand de la Galerie Bertrand Grimont |
Pour sa deuxième participation à Art Paris 2014, la Galerie Bertrand Grimont présentait pour la première fois le travail de Geneviève Claisse, née en 1935 à Quiévy, figure incontournable de l’art abstrait géométrique.
Exposée dès les années 1960 à Paris, aujourd’hui présente dans de nombreux musées internationaux et collections particulières, l’artiste surprend encore et encore par son rapport à l’abstraction.
Formes simples et épurées. Couleurs vives interactives. Espaces virtuels composés de lignes, de triangles ou de carrés. Perspectives renversées. Recherches de mouvements…
Geneviève Claisse dit avoir trouvé dans l’abstraction « le moyen naturel d’exprimer le monde et le fondement de notre devenir culturel ».
Vincent Mauger, sans titre #8, dessin numérique, 30 x 40 cm, 2009, éd.5, courtesy Galerie Bertrand Grimont |
Sur le stand, les sculptures de Jean-François Leroy et les dessins de Vincent Mauger dialoguaient avec art avec les œuvres de Geneviève Claisse. Ainsi, Architecture, géométrie et couleur se répondent sans conventions et sans concessions. Jean-François Leroydétourne et transforme. Vincent Maugerdélimite et agence. Geneviève Claissepermute et synthétise. Les textures et les tonalités des œuvres exposées établissaient ainsi un dialogue dense, multiple et différencié pour le plus grand bonheur de nos pupilles !
ART PARIS 2014
LA CHINE A L’HONNEUR
Du 27 mars au 30 mars 2014, Grand Palais, Paris.
Plus d’informations sur le site www.artparis.fr
Plus de photos sur la page facebook du site : www.facebook.com/followartwithme
0 Comments