Lisboa : dans l’atelier de Joana Vasconcelos
- Posted by Béatrice Cotte
- On 3 octobre 2016
- Lisbonne, Visite d'atelier
Situé sur les bords du Tage, dans d’anciens entrepôts des docks de Lisbonne, l’atelier de Joana Vasconcelos se déploie sur deux étages et emploie plus d’une cinquantaine de personnes. Véritable entreprise artistique, ce lieu de création impressionne par l’ampleur et la clarté de ses espaces.
On accède à l’atelier par une grande porte ornée d’un dessin multicolore, une croix noire dont chaque branche se termine par un rond de couleur – dessin que l’on retrouve sur les cartes de visite et le site internet. A gauche du dessin est inscrit en grandes lettres noires le nom de l’artiste « star ». L’entrée monumentale, traitée avec soin et « logotypée » annonce dès le début de la visite le caractère « industriel », ambitieux et imposant du lieu dans lequel on pénètre.
Lors de cette visite organisée par mon amie Laure Conte pour Le Spot www.lespot.net, l’artiste étant en déplacement, nous sommes reçues par Aviva Obst, la Responsable des relations presse de la Fondation Joana Vasconcelos. Une jeune femme brune et élégante qui participe elle aussi à donner au lieu l’image d’une « Grande Maison ».
Dans le premier espace du rez-de-chaussée, un immense hall, on découvre plusieurs œuvres monumentales, certaines anciennes, comme le nœud lumineux réalisé à partir d’une multitude de flacons de parfum « J’Adore » pour l’exposition Miss DIOR de 2013 au Grand Palais, ou des morceaux d’œuvres futures qui attendent d’être réunies pour composer des sculptures tentaculaires gigantesques qui seront exposées dans des musées à l’étranger. On distingue également les parties d’un futur coq monumental en azulejos destiné à magnifier une place publique, inspiré du coq de Barcelos qui est l’un des emblèmes portugais les plus connus.
L’artiste contemporaine, née en 1971, est en effet connue pour ses joyeux détournements d’objets du quotidien ou symboles traditionnels. La plasticienne pratique une critique sociale constructive, dans une profusion joyeuse et généreuse, où l’humour se mêle à la provocation. Le pouvoir y affronte la soumission ; la force, la fragilité ; le masculin, le féminin. La frondeuse fait parler les symboles et réinvente les traditions nationales – le crochet, les azulejos, la faïence.
On continue la visite en prenant un long couloir qui débouche sur un deuxième magnifique espace de travail dédié au travail du métal. Là est entreposé l’œuvre Le Pavillon de vin, exposée en 2012 dans les jardins du Château de Versailles.
A l’étage, on traverse une série de plusieurs « petits » bureaux où travaillent sur leurs ordinateurs, les ingénieurs, graphistes et architectes. Aux murs sont accrochés les dessins de la main de l’artiste, plans et dessins en 3D des nombreux projets sur lesquels ils travaillent. On reconnaît un projet de sculpture en forme de cœur pour la sortie du métro Porte de Clignancourt à Paris.
Tel un grand couturier, l’artiste donne en quelques traits ses intentions et ses idées, que se chargent ensuite de réaliser ses équipes. Le parallèle avec les maisons de Haute Couture est encore plus frappant dans l’espace suivant où les « petites mains » s’activent. La salle immense dans laquelle trône au centre une immense « tentacule » faite d’étoffes, de broderies et de perles, est subdivisée en plusieurs « ateliers ». Là, règne le textile, marque de fabrique de l’artiste, on trouve tous les savoirs faires de l’artisanat portugais et les mains expertes des brodeuses, couturières, tricoteuses de crochets sont à l’ouvrage.
Chaque matériau, tissu, perle et autres éléments de décoration est rangé par couleur, matière ou taille. Il règne une atmosphère contradictoire entre un certain bazar et une classification méthodique, le rayonnement intense des couleurs qui donne à l’espace une humeur joyeuse et le silence de l’atmosphère de travail quasi « monacale » qui règne dans l’atelier…
L’atmosphère de cette studieuse et étonnante « manufacture », impose l’admiration et le respect. En silence on en prend plein les yeux !
Malgré le sentiment parfois troublant de l’aspect « usine » du lieu, on ressort inévitablement séduit par l’exubérance de cette artiste conquérante et inspirée, véritable conteuse d’une histoire de l’art haute en couleur !
Je tiens tout spécialement à remercier Le Spot et Aviva Obst pour cette visite exceptionnelle.
BIOGRAPHIE de JOANA VASCONCELOS :
Joana Vasconcelos est née à Paris en 1971. Elle vit et travaille à Lisbonne.
La nature du processus créatif de Joana Vasconcelos repose sur l’appropriation, la décontextualisation et la subversion d’objets préexistants et de réalités du quotidien. En partant d’ingénieuses opérations de déplacement, réminiscence du ready-made et des grammaires nouveau réaliste et pop, l’artiste nous offre une vision complice, mais en même temps critique, de la société contemporaine et des divers aspects qui servent les énoncés de l’identité collective, en particulier ceux qui renvoient au statut de la femme, aux différences de classe ou encore à l’identité nationale. De cette stratégie naît un discours attentif aux idiosyncrasies contemporaines, où les dichotomies habituelles artisanal/industriel, privé/public, tradition/modernité et culture populaire/culture érudite apparaissent investies d’affinités aptes à rénover les habituels flux de signification caractéristiques de la contemporanéité.
Elle a reçu de nombreux prix dont en 2006, le prix The Winner Takes It All, de la Fondation Berardo, destiné à la création de son oeuvre « Néctar », actuellement installée au Musée Collection Berardo, Lisbonne .
Dans le travail de l’artiste, une importance particulière est accordée aux interventions site-specific dans le domaine de l’art public.
Joana Vasconcelos expose régulièrement au Portugal et à l’étranger, depuis 1994. Elle a notamment représenté son pays le Portugal à la Biennale de Venise en 2013.
Ses oeuvres sont représentées dans plusieurs collections publiques et privées au Portugal et à l’étranger.
Son travail est représenté par la Galerie Haunch of Venison, Londres/New York (www.haunchofvenison.com); la Galería Horrach Moyà, Palma de Majorque (www.horrachmoya.com) et Casa Triângulo, São Paulo (www.casatriangulo.com).
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