PARIS PHOTO 2013 : une édition limitée !
- Posted by Béatrice Cotte
- On 19 novembre 2013
- 2013, Paris Photo, Photographie
Pour cette nouvelle édition de Paris Photo, j’ai invité mon amie et artiste photographe Emmanuelle Bousquet a partager avec nous ses impressions et ses coups de cœur sur cette 17ème édition.
Nous avons donc parcouru ensemble les allées de cette foire internationale, qui reste à ce jour sans véritable rivale au monde dans le domaine de la photographie. J’ai profité de l’œil averti d’Emmanuelle, représentée par la Galerie Acte 2 à Paris et la Galerie Elisabeth de Brabant à Shangaï (deux galeries spécialisées dans la photographie contemporaine), pour aiguiser mon regard et mieux découvrir ses sensibilités artistiques. Vous découvrirez donc un peu plus loin son top 10, qui révèle un œil réceptif aux différentes manières de représenter le nu en photographie. Formée aux côtés d’Antoine d’Agata (Galerie Filles du calvaire), Emmanuelle Bousquet a développé dans ce domaine et dans son art une réelle acuité artistique.
Emmanuelle Bousquet, série Illusion, 2012, courtesy Acte 2 Galerie |
Après avoir parcouru les 135 galeries présentent cette année (42 françaises et 93 internationales – 24 pays représentés). Notre sentiment général à toutes les deux était en « demi-teinte ».
Contrairement à l’année dernière, nous n’avons pas ressenti un enthousiasme débordant, la tonalité de la foire était à notre goût un peu « pâle ». Une édition limitée donc en émotions, en découvertes et en surprises…
Stand Galerie Fraenkel |
L’objectif affiché de cette 17èmeédition de Paris Photo était de s’ouvrir aux galeries d’art contemporain et de développer la présence internationale. Si sur le second point l’objectif était clairement atteint, sur le premier point la visibilité des œuvres contemporaines n’était pas évidente. Le mélange des stands consacrés à la photographie ancienne aux stands uniquement consacrés à la photographie contemporaine additionné au mélange des deux genres sur de nombreux autres stands, brouillait considérablement la « lecture contemporaine » de la foire.
L’année dernière, le parcours « David Lynch » permettait de créer un fil rouge intéressant pour la photographie contemporaine. On peut regretter que cette initiative ait été abandonnée cette année…
Dans ce mélange des genres et des styles photographiques, les galeries contemporaines qui ont consacré leur stand cette année à la présentation d’un seul artiste sortaient évidemment du lot ! C’était à mon avis la bonne stratégie à adopter pour gagner en visibilité et laisser un souvenir impactant et cohérent au visiteur sur cette foire bouillonnante d’activité.
Bien évidemment, vu le prix élevé des stands, on peut comprendre que les galeristes veuillent ne pas prendre trop de risques et rentabiliser au maximum leurs « linéaires » avec des produits « safe ». La foire reste un événement commercial avant tout ! Certes, mais malgré tout, on peut souligner l’initiative audacieuse d’une petite quinzaine d’entre eux qui a pris le parti pris artistique du « solo show ». Un choix plus impactant visuellement, qui se sera, sans nul doute, révélé payant.
Ainsi se sont distingués de la « masse » les « solo show » de Juergen Teller(Galerie Suzanne Tarasieve), de Sophie Ristelhueber (Galerie Jérôme Poggi), de Paul Thorel(Galerie Guido Costa), d’Ori Gersht (Galerie Mummery + Schnelle), de Marc Trivier(Galerie Bernard Bouche), de Lara Dhondt (Galerie Bourouina), d’Horst Adeimeit (Galerie Suzanne Zander), de Jeff Cowen (Galerie Michael Werner), de Stephan Crasneanscki(galerie Ilan Engel),de Josef Hoflehner (Galerie Nikolaus Ruzicska), de David Hilliard (Galerie Particulière), de Tom Hunter (Galerie Purdy Hicks), de Robert Poladori (Galerie Karsten Greve) de Du Zhenjun(Galerie RX).
Josef Hoflehner, Bondi Baths (Sydney, Australia, 2011), 2011, Archival Pigment Printcourtesy Nikolaus Ruzicska gallery |
Ces expositions individuelles racontaient toutes une histoire différente, intimiste pour Lara Dhondt, archéologique pour Sophie Ristelhueber ou provocante pour Juergen Teller… et permettaient de s’immerger un moment dans un univers cohérent qui invitait à la discussion et à une découverte artistique plus approfondie. J’ai ainsi pu faire des rencontres passionnantes avec des artistes comme Tom Hunter ou des galeristes assumant pleinement leur choix comme Guillaume Lointier pour la Galerie Tarasieve. Il faut souligner que Suzanne Tarasievea fait un choix « choc » en exposant d’immenses photographies « impudiques » de nus de Vivienne Westwood par Juergen Teller. Une chose est sûre, que l’on apprécie ou pas ces photographies, elles sautaient aux yeux et elles n’auront laissé personne indifférent. Elles auront définitivement imprimé la mémoire rétinienne de cette édition de Paris Photo 2013. Une stratégie artistique, que l’on peut donc définir comme une stratégie marketing réussie pour la galerie !
Solo Show Juergen Teller, Galerie Suzanne Tarasieve |
La Galerie RXa elle cherché le compromis pour répondre aux exigences commerciales de la foire, en scindant son immense stand en deux. Une partie pouvant ainsi être consacrée au solo show de l’artiste chinois Du Zhenjun et l’autre à la présentation d’autres travaux d’artistes représentés par la galerie. Là, également les tirages grands formats de la série « Tour de Babel » de Du Zhenjun, ne manquaient pas d’accrocher l’œil. Une plongée dans un monde « surréaliste » composé de milliers et milliers d’images de tours, de personnages, de catastrophes puisées dans l’imagerie du monde entier, collées et superposées les unes aux autres pour recréer, sur le thème biblique de la tour de Babel, une image de la dérive contemporaine, angoissante et visionnaire, de notre civilisation actuelle.
Solo Show Du Zhenjun, Galerie RX |
DU Zhenjun, Ran, 2011, Tour de Babel, C-Print, 180 x 240 cm courtesy Galerie RX |
La Galerie Jérôme Poggi, à travers son projet monographique sur Sophie Ristelhueber interrogeait également, mais d’une toute autre manière, les traces laissées par l’intervention humaine sur le territoire et son histoire. Le travail quasi « archéologique » de cette grande figure de l’art contemporain a marqué l’histoire de la photographie depuis les années 80. Présente dans les plus grandes collections privées et institutionnelles internationales, cette artiste poursuit depuis plus de trente ans une réflexion sur l’empreinte de l’histoire, dans les corps et dans les paysages, en rendant visibles plaies et cicatrices, véritables mémoires des « faits » de l’histoire. J’ai notamment aimé la série justement intitulée « Fait », rassemblant des photographies aériennes du désert koweïtien, prises juste après la fin de la guerre. Les représentations quasi abstraites des traces laissées par la guerre dans le désert sont à la fois fortes de sens et d’une esthétique épurée touchante. La surface de la terre s’apparente à la peau humaine et les tranchées à des cicatrices. Cette série, disposée sur le stand à côté d’un très grand tirage de la série « Every one » représentant un corps d’homme yougoslave au dos balafré, entrait en résonnance sur ce thème de la trace cicatricielle.
Solo Show, Sophie Ristelhueber, Galerie Jérôme Poggi |
Sophie Ristelhueber, Fait #39, 1992, tirage argentique, 100 x 130 x 5cm, éd.3, courtesy galerie Jérôme Poggi |
Le « solo show » de la jeune artiste belge Lara Dhondt (1979), proposé par la galerie berlinoise Bourouina, explorait la mémoire non plus collective mais intime. La série en noir et blanc « Memento » présente des photographies de détails de lieux urbains parisiens qui lui sont intimes car liés à ses souvenirs. Imprimée sur des plaques d’Acier Corten, les photographies de cette série dégagent des reflets « métalliques » qui lui confèrent un style très particulier. Pour chaque photographie, elle réalise avec des éléments trouvés sur les lieux une sculpture éphémère qu’elle insère dans le lieu choisi.
L’artiste a pris par exemple un détail de dalles de la rue situées devant l’adresse de son oncle et a déposé au centre une composition florale faite de pétales trouvés juste à côté…Cette démarche s’inscrit à la fois dans celle du Land Art et de l’Arte Povera et tente de redonner aux lieux urbains photographiés une dimension émotionnelle et humaine. Le bouquet éphémère matérialise ainsi une histoire sentimentale et personnelle attachée au lieu et joue sur la notion de temporalité. Les œuvres de Lara Dhondt, disposées comme des dalles ou pavés sur le stand de la Galerie Bourouina, donnait à l’espace une « démarcation » urbaine à la fois graphique et froide. Pourtant, si l’on prenait le temps de s’y perdre, cette sensation de froideur finissait par laisser la place à une vision des plus sensible…
Solo show Lara Dhondt, Galerie Bourouina |
Lara Dhondt, Place des Vosges (Memento series), 2013, print on Cortensteel, 70x70cm Bourouina Gallery |
J’ai eu la chance sur le stand de la Galerie Purdy Hicks, de rencontrer Tom Hunter pour une petite visite « privée ». Cet artiste anglais né en 1965, m’a détaillé sa nouvelle série « Unheralded stories » basée sur la vie quotidienne de son quartier, de son entourage et de son voisinage. Une série qui révèle une réalité sociale d’une communauté, des couleurs locales et des histoires banales mais qui finalement font elles aussi l’histoire. A l’origine de ses photographies, il y a toujours une référence à une peinture ancienne. Par exemple dans « Death of Coltelli », la pose de la jeune femme sur le lit est directement tirée de la très célèbre peinture d’Eugène Delacroix, La mort de Sardanapale, de 1827. La citation de la pose de la jeune femme, permet de réinterpréter de façon contemporaine, le sentiment du désespoir face à la mort d’un proche, en l’occurrence dans la photographie de Tom Hunterla grand-mère de la jeune femme, une immigrée italienne. Le grandiose de la peinture d’histoire fait place à une réalité plus crue, à la vie de gens ordinaires, captée par la photographie dans un contexte contemporain. Une belle façon de nous rappeler que nous sommes les acteurs de notre quotidien qui définit notre histoire et l’histoire dans sa dimension plus générale. Avec Tom Hunter, l’aventure et la beauté se révèlent être celles de tous les jours.
Solo show Tom Hunter, Galerie Purdy Hicks |
Tom Hunter, Death of Coltelli, 2009, C print, 122 x 152 cm courtesy Purdy Hicks Gallery |
De la même génération, David Hilliard (né en 1964 à Boston – Galerie Particulière), met également en scène sa famille, ses amis et ses proches. Depuis plus de 20 ans, il met en image un roman personnel dans lequel il exprime ses fantasmes et ses peurs. Dans « The Tale is True », David Hilliard analyse les relations filiales entre un père malade et son fils vivant reclus dans leur maison de Cape Cod. La maladie de Diogène, dont souffre le père, finit par déteindre petit à petit tragiquement sur le quotidien du fils. Une véritable névrose s’installe dans ce huis clos fait de psychoses obsessionnelles. Une triste réalité qui conduit à l’exclusion de la vie réelle de ces deux hommes. Deux vies marginales, traitées comme des métaphores, souvent mélancoliques, parfois drôles, de questionnements philosophiques plus larges, où le destin, la foi, le lien, la patience dans l’adversité seraient les véritables protagonistes de cette série.
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David Hilliard, Eric Discerning, 2011, C-Print, 3x102x76cm Courtesy La Galerie Particulière |
LE PARCOURS PARIS PHOTO D’EMMANUELLE BOUSQUET
Emmanuelle Bousquet en compagnie du galeriste Ilan Engel |
Après un rapide parcours des « solo show » les plus intéressants de cette 17ème édition, Emmanuelle Bousquet nous livre maintenant une sélection beaucoup plus personnelle d’œuvres repérées sur la foire. Un grand merci à Emmanuelle d’avoir accepté notre invitation « special guest » pour Follow Art With Me et de partager avec nous ses dix coups de cœur :
Sabastiaan Bremer, Intérieur, 2013, édition unique, 101,3 x 75,9cm, peinte à la main courtesy Edwinn Houk Gallery |
Thomas Ruff, Nudes dl17, 2011, photographie chromogénique sous diasec, 150 x 110cm, édition de 5, courtesy David Zwirner Gallery |
Susanna Hesselberg, In the wood, 2012, Photography C-print, 120×100 cm / 47,2×39,4 inc courtesy School Gallery / Olivier Castaing |
Julie Blackmon, Hair, 2013, Archival pigment print
Courtesy Robert Mann Gallery
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Jocelyn Lee, Untitled (The Whisper), 2007, 60 x 50 cm
Courtesy Flatland Gallery
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Ellen Kooi, Overveen, vogelmeer, 2013, Galerie Filles du Calvaire |
Nadav Kander, Audrey with toes and wrist bent, 2011, Chromogenic print, 135 x 180 cm
courtesy Flowers London
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Jacob Fellander, Pentimento study #15, courtesy Hamiltons Gallery |
Cathleen Naundorf, L’arche de Noé XVII, Dior (Haute Couture) Philip Treacy (hat), HC Dior Summer 2012,
Photo studio Bastille, 20th March 2012, courtesy Hamiltons Gallery
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Tim Walker, Lily Cole and spiral Staircase, India, 2005, 129 x 108 cm, Courtesy Michael Hopper Gallery |
LE PARCOURS FOLLOW ART WITH ME
Si je partage une majorité des choix d’Emmanuelle Bousquet, j’ai pour ma part eu un vrai coup de cœur pour la sélection de la Galerie Nathalie Obadia et en particulier pour une œuvre de Youssef Nabil, « Self Portrait, Marseille, 2011 ». J’ai également fait la découverte d’une petite pépite slave à la Galerie In Caméra. La jeune artiste russe, Evgenia Arbugaeva (28 ans), née en Sibérie, qui a réalisé une très jolie série nommée « Tiksi » sur sa ville natale en Arctique. Dans cette série elle suit le quotidien de Tanya, une petite fille de Tiksi qui lui ressemble au même âge. D’une façon très poétique et avec un œil bienveillant sur ses paysages d’enfance, Evgenia Arbugaeva nous livre une vision, à la limite de la féerie, d’une région aux conditions de vie pourtant rudes et glaciales…Cette artiste a remporté aux dernières rencontres d’Arles le Prix Leica Oskar Barnack 2013 et vient d’être sélectionnée pour le World Press Photo Joop Swart Masterclass. Une jeune artiste pleine de talents à suivre donc…
Evgenia Arbugaeva, Tiksi, 2010, Impression Fine Art, 33,02 x 48,26 cm
Courtesy In Camera galerie
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Evgenia Arbugaeva, Tiksi, 2010, Impression Fine Art, 33,02 x 48,26 cm
Courtesy In Camera galerie
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Youssef Nabil, autoportrait, Marseille, 2011, polyptique, 5 éd. courtesy Galerie Nathalie Obadia |
Ina Jang, a ball, 2013, digital C-print, 33 x 46 cm, Courtesy Christophe Guye Galerie |
Jun Ahn, Self-Portrait, 2008, Archival Pigment Print, 76,2 x 101,6 cm (30 x 40 in.)
Courtesy Christophe Guye Galerie
Caio Reisewitz, Porangaba, 2012, C-print sous diasec, 227 x 180 cm
Courtesy Bendana | Pinel Art Contemporain
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Vee Speers, Untitled #1 série BULLETPROOF, 2013,
Photography C-print on aluminium, 120×96 cm / 48×35 inch
courtesy School Gallery / Olivier Castaing
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Valérie Belin, Arcotis Fastuosa (Namaqua_Marigold), 2013
Courtesy Edwynn Houk Gallery
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Tim Parchikov, détail polyptique, Glaz Gallery |
Andres Serrano, famille cubaine, courtesy Galerie Nathalie Obadia |
PARIS PHOTO 2013
Du 14 au 17 novembre 201 », Grand Palais, Paris.
Du 14 au 17 novembre 201 », Grand Palais, Paris.
Plus d’informations sur le site www.parisphoto.com
Pour compléter :
Une application mobile à télécharger.
Article sur Emmanuelle Bousquet :
http://followartwithme.blogspot.fr/2012/12/whispers-la-nouvelle-serie-demmanuelle.html
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