Paris Photo 2015 – Une 19ème édition malheureusement écourtée!
- Posted by Béatrice Cotte
- On 20 novembre 2015
- ANNA ORLOWSKA, Anni Leppäla, Bruno Serralongue, CJ HEYLIGER, EVGENIA ARBUGAEVA, Foire Art contemporain, grand palais, J P Morgan, LUKAS HOFFMAN, Maia Flore, MALEONN, Paris Photo, Photographie, Sammy Bajoli, SAMMY BALOJI, Taka Ishii, Zanele Muholi
Suite aux malheureux attentats qui ont touchés la capitale vendredi 13 novembre 2015 et par mesures de sécurité le Grand Palais a fermé ses portes pour le week-end. Par conséquent, la 19ème édition de Paris Photo 2015 a été écourtée et ne se sera déroulée, non pas sur 5 jours, mais sur seulement 3 jours! Un manque à gagner important pour les galeries, pour qui la participation à une telle foire est un véritable budget…Une fermeture anticipée regrettable mais comprise et bien évidemment acceptée par tous!
Cette année la foire comptait 147 galeries internationales (+ 6 vs 2014), spécialisées et généralistes, dont les stands occupaient la nef du Grand Palais. Le partenaire officiel de Paris Photo, J.P.Morgan proposait à travers la nef deux parcours d’une sélection d’œuvres signalées dans une vingtaine de galeries au total. Cette édition présentait, comme à son habitude, les grands axes chers à Paris Photo qui sont : La Plateforme, les signatures de livres, Le Prix du livre Paris Photo-aperture Foundation, et les différentes expositions des partenaires officiels.
Une des spécificités de Paris Photo est également la présence de 27 éditeurs de livres d’art et l’organisation de plus de 200 séances de dédicaces d’artistes. Une occasion unique de rencontrer les photographes du monde entier.
Enfin, les différentes expositions des partenaires étaient regroupées au premier étage dans le Salon d’Honneur. Cette année les visiteurs ont pu découvrir une partie de la collection privée d’Enea Righi, l’une des collections les plus renommées d’Italie ; Leica Camera présentait une exposition inédite des photographes Stéphane Duroy et Paolo Nozolino, deux artistes majeurs, deux regards austères et sans concession ; BMW Art et Culture mettait en exergue le travail de la lauréate 2014 de la Résidence BMW, Natasha Caruana ; Giogio Armani présentait ACQUA#6, une exposition consacrée au thème de l’eau dans la photographie et J.P.Morgan proposait sous le titre ON TIME, une sélection d’œuvres de la J.P.Morgan Chase Art Collection.
Un programme dense et riche comme vous pouvez le constater, qui mettait la photographie à l’honneur et offrait un panorama extrêmement large de la photographie, de ses premières expressions jusqu’aux créations actuelles.
J’ai arpenté les allées de la foire pendant ses trois jours d’ouverture, j’ai eu l’impression de voir beaucoup de photographies historiques et moins de focus sur la génération émergente que lors d’autres éditions. La foire m’a donné une impression « sage » sans prise de risque du côté des galeries, qui en ces temps « houleux » cherchent à assurer leurs arrières!
Je me suis donc concentrée sur la création contemporaine et parmi elle, celle d’artistes considérés comme émergents, nés entre 1970 et 1990. L’occasion de mettre en avant cette génération, si durement touchée par les attentats. L’occasion à travers son regard et ses différentes origines de faire un tour du monde de la création photographique actuelle. L’occasion de mettre en avant les différences de points de vue, leurs richesses et l’importance de les « voir » et les « comprendre » pour pouvoir vivre ensemble!
Ce qui est frappant, tout d’abord, c’est que très peu de photographes présentaient des reportages documentaires. A souligner donc, comme une exception, la série de Bruno Serralongue autour des migrants de Calais sur le stand de la Galerie Air de Paris. Peu de jeunes photographes semblent prendre aujourd’hui ouvertement position sur la politique de leur pays, comme Sammy Bajoli ou Zanele Muholi, et préfèrent le champ métaphorique ou la photographie d’art comme CJ Heyliger ou Anni Leppäla…C’est une question de cycle, la jeune génération semble être moins focalisée sur le contenu ou le message que sur le travail du médium et de l’esthétique…Les événements de vendredi, changeront-ils à l’avenir la donne? Réponse, peut-être pour les 20 ans de Paris Photo, l’année prochaine!
PETITE SELECTION
J’ai choisi de concentrer mon regard sur une dizaine d’artistes nés entre 1990 et 1970, choisis aux quatre coins de la planète pour leur actualité, leur originalité, leur diversité, afin d’établir un/mon panorama de PARIS PHOTO 2015.
MAIA FLORE – Née en 1988 en France – Lauréate 2015 du Prix HSBC pour la Photographie
Je suis le travail de Maia Flore, très inspiré par l’école d’Helsinki, depuis trois ans maintenant. J’aime son univers onirique, ses mises en scènes de situations « surréalistes » et poétiques. Un regard « malicieux » et parfois « espiègle » qui nous fait rêver et replonger en enfance. Une respiration nécessaire dans un monde de plus en plus oppressant!
ANNA ORLOWSKA – née en 1986 en Pologne – Exposée aux Rencontres d’Arles en 2015
Au regard mutin de Maia Flore, s’oppose le regard aigu et pénétrant d’Anna Orlowska qui se concentre sur le monde extérieur et enquête sur ce qui nous est invisible dans la vie quotidienne. Dans sa série Leakage, présentée sur le stand de la galerie polonaise spécialisée en photographie Asymetria, l’artiste nous livre l’illusion de la réalité, une vision sombre et intellectualisée qui nous pousse à nous interroger sur la signification des scènes décrites.
EVGENIA ARBUGAEVA – Née en 1985 en Sibérie – Prix Leica Oscar Barnack en 2013
Après avoir retenu notre attention sur Paris Photo en 2013, avec sa série Tiksit, Evgenia continue son périple dans le nord Arctique et expose sa nouvelle série Wheather Man. Née de sa rencontre avec le météorologiste Slava Korotkiy, unique résident de Horodvarikha, une station météo située « au bout du monde », ce travail impressionne par l’acuité de son regard sur un monde de solitude et de silence, à la lisière d’un monde qui semble irréel et pourtant si authentique! La beauté des images nous emporte dans cet univers impressionnant de nuits polaires, coupé du temps, coupé du monde…
CJ HEYLIGER – Né en 1984 aux Etats-Unis – Lauréat du Prix INTRODUCING PARIS PHOTO LA 2015
Jeune diplômé d’UCLA, ce californien propose une vision quasi « impressionniste » de la photographie. Pendant plusieurs jours il se positionne devant un paysage et prend des photographies, dont il superpose ensuite les négatifs afin de créer un paysage « physiquement » impossible. Il considère le paysage comme une chambre photographique et non comme un sujet et utilise son appareil comme un outil d’interprétation et non comme un outil de reproduction. Le résultat des images « troublantes », des paysages, vues de l’esprit, un travail sur le médium photographique très intéressant et à suivre.
LUKAS HOFFMAN – Né en 1981 en Suisse, vit et travaille à Berlin
Lukas Hoffmann était l’un des seuls jeunes artistes à avoir été présenté en « solo show » sur Paris Photo par sa jeune galerie, la Galerie De Roussan. Ses photographies montrent ce moment de basculement, où la nature reprend peu à peu ses droits sur ce qui a été construit, créant ainsi des formes et structures sauvages. Loin de soumettre ses images à un sujet ou un thème, il s’ attache avant tout à discerner le monde sous sa forme visuelle. Ce n’ est pas l’objet représenté – tronc d’ arbre ou façade – qui compte en premier lieu pour lui, c’est bien plutôt un certain ordonnancement du paysage, qui va trouver à se structurer dans l’ image. Ses photographies, généralement fruit de longues déambulations dans la périphérie de Berlin, naissent comme des images isolées. Chaque image témoigne d’ une quête – la quête d’ une correspondance entre l’ ordre de l’ image et le monde visible, quête d’ un rapport pour lequel il n’ existe aucune règle, mais qui doit être trouvé pour chaque image de façon renouvelée. Le photographe choisit son cadre au sens d’ un voir intuitif et par images, dans lequel ce qui est vu se range à un point de vue.
ANNI LEPPALA – née en 1981 en Suède
Issue de l’école d’Helsinki, cette jeune suédoise se met souvent en scène dans ses photographies. Comme Maia Flore, elle joue avec sa chevelure rousse ou celle de sa soeur et explore à travers ses photographies, très stylisées, la relation entre le passé et le présent, la mémoire intime. L’observation des ses images, tirées en petits formats, de tailles différentes et disposées au mur selon une scénographie très réfléchie et importante pour l’artiste, provoque un questionnement sur ce qui est perceptible ou imperceptible de ces photographies hors du cadre. Anni Leppala, est une artiste « sensible » que l’on regarde toujours avec émotion et un brin de mélancolie…
SAMMY BALOJI – né en 1978 au Congo – actuellement exposé à la Fondation Cartier dans l’exposition Beauté Congo
Sammy Baloji explore le patrimoine culturel, architectural et industriel de la région du Katanga au Congo. Afin de questionner les versions officielles de l’histoire coloniale belge, il effectue ses recherches dans diverses archives dont celles du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren en Belgique. L’histoire de l’art (comme l’aquarelliste Léon Dardenne) et de la photographie documentaire se trouvent mêlée à celle du colonialisme. Ses séries de photomontages, d’albums revisités, confrontent ses recherches historiques à l’actualité humaine et économique (comme les nouvelles invasions des territoires par des entre- prises venues d’Asie par exemple). Les superpositions dialoguent et ses séries, telles que Congo Far West, Kolwezi, Mémoire, résonnent de sens.
JITISH KALLAT – né en 1974 en Indes
Cet indien, représenté par la Galerie Daniel Templon n’est pas seulement un photographe, mais un artiste contemporain qui utilise différents médiums pour nous parler des cycles de la vie, du cosmos, du temps, de la nourriture. Jouant des échelles et des distances, sa série de photographies lenticulaires, Sightings, joue sur les détails de la surface de sept fruits qui deviennent des explosions de supernovas. Lorsque le microscopique prend des lueurs cosmiques…
MALEONN – né en 1972 en Chine
Star de la photographie shanghaienne, Maleonn est un artiste aux multiples facettes, auquel la Galerie Magda Danysz consacrait sur Paris Photo un très remarqué solo show.
Les photographies de Maleonn sont de véritables contes faits de multiples curiosités. Alliant costumes de théâtre ancien, accessoires loufoques et étonnants, mises en scène théâtrales, il nous entraine dans une fable et nous raconte avec poésie l’histoire et la culture de la société chinoise. Son univers est foisonnant, à la fois ludique et complexe, il révèle les multiples facettes de la Chine actuelle partagée entre ses traditions et sa détermination à construire l’avenir.
YOUSSEF NABIL – né en 1972 en Egypte – vit et travaille à New York – actuellement exposé à la Galerie Nathalie Obadia à Paris.
I Saved My Belly Dancer est une représentation poétique de la fascination et l’admiration de Youssef Nabil pour les danseuses du ventre, et de son inquiétude à voir disparaître cette forme artistique typique du Moyen-Orient.
Souvenir, exil, recommencements et renaissances demeurent des thèmes récurrents dans l’œuvre de Youssef Nabil. Sa nouvelle série de photographies, tirées d’une vidéo, se fait également l’écho d’une évolution profonde du statut de la femme dans cette région du monde qui voit l’érotisation accrue du corps féminin devenir un problème de plus en plus aigu au sein des nouvelles constructions sociales. Outre la crainte de voir se perdre – avec la disparition de la danse du ventre – une forme artistique moyen – orientale unique au grès des idéologies mouvantes de l’époque ; c’est bien la conscience de ce bouleversement dans les représentations de la femme qui a inspiré à Youssef Nabil I Saved My Belly Dancer.
Le travail photographique reprend la technique emblématique de l’artiste : des tirages argentiques noir et blanc sont peints à la main, à l’instar des panneaux et affiches de cinéma que l’on trouvait en Egypte au milieu du XXe siècle.
ZANELE MUHOLI – née en 1972 en Afrique du Sud – actuellement exposée à la Maison Rouge dans la collection Walther
La Galerie Stevenson présentait une magnifique série de portraits de cette iconique photographe sud africaine, qui documente la vie de minorités misent en marge de la société, comme les lesbiennes noires. Ici, elle joue de la représentation en « noir et blanc » pour confronter l’esthétique d’un cliché, et d’un mode de représentation souvent utilisé en photographie, à une réalité politique et culturelle. Sa série d’autoportraits relève également du concept de « MaID » = My Identity ou « maid » le nom donné aux femmes noires « soumises » en Afrique du Sud. Ces autoportraits extrêmement stylisés focussent sur son visage et confrontent le spectateur à ce regard si fort et aiguisé de cette artiste hors norme!
Je termine donc ce petit tour de Paris Photo 2015 avec une artiste qui allie esthétisme et prise de position, afin de mettre la conscience en exergue…Une belle leçon d’art et de vie à méditer!
PARIS PHOTO 2015 IS CLOSED
11-13 NOVEMBRE 2015
GRAND PALAIS PARIS
www.parisphoto.com
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