SALON GALERISTES : une alchimie singulière !
- Posted by Béatrice Cotte
- On 15 décembre 2016
- Foire Art contemporain
La première édition du salon GALERISTES, fondé par Stéphane Corréard, s’est tenue du 8 au 11 décembre au Carreau du Temple à Paris. Je m’y suis rendue très curieuse de découvrir cette nouvelle formule de foire d’art contemporain, intimiste et à taille humaine, imaginée par des collectionneurs.
Au fil de ma visite, passé l’effet de surprise, un sentiment de contrariété m’a vite envahi…Quelque chose ne collait pas, mon œil n’arrivait pas à « s’accrocher » sur une œuvre plutôt qu’une autre. J’ai alors compensé une rencontre visuelle qui ne se faisait pas, avec une rencontre humaine. J’ai décidé d’échanger longuement avec quelques galeristes sur l’événement. Quel était leur ressenti?
Présentés, par les organisateurs du salon comme les acteurs engagés de ce nouvel événement, les 26 galeristes, sélectionnés par un comité de collectionneurs et de professionnels de l’art chevronnés, étaient-ils satisfaits de cette nouvelle manière d’exposer?
Sur ce point, les réponses de Daniel Lelong, Hervé Loevenbruck, Benjamin Derouillon, Christophe Gaillard, Benoît Porcher (Galerie Semiose) et Suzanne Tarasieve furent unanimes : oui ! Tous ont souligné l’aspect extrêmement convivial, chaleureux et humain de cette nouvelle expérience au Carreau du Temple. A les écouter, cette première édition du salon GALERISTES a su créer de véritables rencontres et engendrer des échanges nourris entre galeristes et amateurs d’art.
La scénographie métallique signée par l’architecte Dominique Perrault, très atypique pour un salon, a semble-t-il joué un rôle déterminant dans ce rapprochement entre galeristes et visiteurs.
En effet, déstabilisés dans leurs habitudes par un nouveau décorum, par un décloisonnement des « stands », brouillés dans leurs repères par une signalétique quasi inexistante, les visiteurs étaient « indûment » invités à s’adresser aux galeristes pour se situer tout au long de leur déambulation. Pourtant, comme chez Ikéa, il n’y avait qu’un sens possible de circulation, une ligne serpentine unique guidant le visiteur et l’obligeant à une visite totale des 26 espaces d’exposition.
Dès mon entrée sur ce parcours, j’ai rapidement constaté que la stratégie de déstabilisation visant à initier le dialogue et servir le rapprochement humain fonctionnait à merveille. Au niveau de la Galerie d’André Magnin, plusieurs personnes visiblement désorientées ont commencé à s’approcher des exposants pour poser la question « c’est quelle galerie là ? » et André Magnin de répondre, « oui, c’est une approche différente sur ce salon, on invite le visiteur à d’abord s’arrêter sur des œuvres et ensuite à regarder dans quelle galerie il est ».
A ce stade de la visite, je relevais une première contradiction entre la volonté des organisateurs de mettre en avant les œuvres et le choix d’une scénographie aussi forte visuellement, qui parasitait, à mon sens quelque peu leur lecture.
Le choix des cimaises faites de lames horizontales métalliques, alternant les modules de niches, étagères, tiroirs, racks de rangements, d’un bout à l’autre du parcours était original, certes, mais finalement le métal devenait trop présent et prenait le dessus visuellement sur les œuvres.
L’idée de Stéphane Corréard était de donner l’illusion d’entrer dans la réserve ou encore le bureau du galeriste, lieux par définition plus intimistes que le white cube d’exposition. Grâce à cette scénographie, il voulait mettre en avant la singularité de la ligne artistique de chacune des galeries. Mais comment espère-t-on dessiner l’autoportrait de chaque galeriste en imposant le même décorum à chacun? Cette « haie » métallique, qui structurait l’espace, laissait malheureusement peu de place à l’affirmation d’une identité propre.
Cette scénographie a été « un véritable défi » nous confiait Guillaume Lointier de la Galerie Christophe Gaillard.
Celui qui a su le mieux tirer son épingle du jeu est sans nul doute Benoît Porcher (Galerie Semiose). En prenant quelques libertés avec les modules de base et en intégrant des casiers blancs au sein de la structure métallique, il a su imposer à l’œil une respiration et concentrer le regard sur de véritables petits « tableaux » d’œuvres. En disposant soigneusement des céramiques de Françoise Pétrovitch avec des sculptures de Stefan Rinck et des dessins de William S. Burroughs, il a créé de véritables chefs-d’œuvre de «natures mortes». Christophe Gaillard à quand à lui joué la carte de l’espace intime en reconstituant son espace de bureau. Hervé Loevenbruck proposait pour sa part un mur d’amateur d’art à la André Breton en faisant dialoguer des objets primitifs de sa collection avec des œuvres contemporaines de la galerie, et Benjamin Derouillon nous transportait dans une atmosphère plus «solaire» et « matissienne », grâce aux toiles colorées de Guy Yanai. Certains galeristes ont donc su mieux que d’autres composer avec cette nouvelle scénographie.
Un agencement atypique qui favorisait l’exposition d’œuvres de petits formats, bien que quelques toiles de bonnes tailles aient réussies à trouver leur place. Ce format, comme le soulignait à juste titre Hervé Loevenbruck et Benoît Porcher, imposait donc aux galeristes de vendre plus de pièces ou de sélectionner des petites œuvres, plus rares et plus chères afin de rentabiliser au mieux leur participation à l’événement.
Si tous les galeristes interrogés s’accordaient sur la convivialité et la qualité professionnelle du salon, ils n’étaient pas en revanche tous « alignés » sur les retombées commerciales. Catastrophiques pour certains, très bonnes pour d’autres, et pour une majorité tout simplement à analyser après le salon en fonction des concrétisations ou non de certains achats. Le bilan du salon semble donc sur ce point très mitigé. A sa décharge, il est toujours très difficile pour une première édition de s’inscrire comme un véritable succès commercial, qui plus est lorsque l’on s’installe en fin de course d’une saison dense en foires (Frieze, La FIAC, Paris Photo, Artissima, Art Basel Miami…), durant lesquelles le budget des collectionneurs a déjà été très sollicité !
L’événement s’adressait en effet avant tout à une communauté de collectionneurs et professionnels de l’art. A ce titre et afin de valoriser les relations déjà existantes entre galeristes et passionnés, le vernissage était réservé aux meilleurs clients de chaque galerie. Il a rassemblé ainsi 700 personnes triées sur le volet. La première journée fut ensuite dédiée à la presse, aux professionnels et aux cercles des amis des différents musées de Paris. Le grand public n’a été quant à lui invité à découvrir ce nouvel événement que durant le week-end. En somme, GALERISTES est un salon imaginé par des collectionneurs pour des collectionneurs, qui cultive l’entre-soi et la segmentation des publics. Pourtant, l’un des objectifs affichés était d’initier de nouvelles vocations de collectionneurs et d’élargir les horizons… Paradoxalement, cela semble avoir fonctionné, puisque les galeristes interrogés nous confirmaient avoir multipliés les nouveaux contacts, essentiellement parisiens au demeurant.
Le salon se voulait également engagé en faveur de la diversité et de la découverte. Mais les collectionneurs et amateurs d’art avertis n’auront pas découvert de nouveaux artistes sur GALERISTES, tout au plus de nouvelles œuvres.
Notons également qu’une majorité des 26 galeries exposantes possèdent un espace à deux pas du Carreau du Temple. De ce fait, ont-elles vraiment besoin de se réunir sous un même toit si proche de leur domicile ? Ne peuvent-elles pas faire dans leur espace de galerie, dans la vraie intimité d’un espace à taille humaine, le travail de fidélisation et de développement de ce « premier cercle » que leur propose GALERISTES ? Ont-elles besoin de l’artifice d’une scénographie pour le faire ? Ne devraient-elles pas plus se fédérer autour d’événements déjà existants comme Choices ou Un Dimanche à la Galerie pour faire vivre leurs espaces d’expositions et inciter les collectionneurs à venir plus souvent échanger directement chez elles, sans passer par la case foire?
En résumé, même si le salon, avec quelques 7000 visiteurs, semble avoir suscité une vraie curiosité auprès des acteurs de la scène parisienne et mis en avant le rapport privilégié qui existe entre les galeristes et les collectionneurs, je reste dubitative sur son intérêt majeur. Vouloir proposer une nouvelle façon de voir est toujours louable, reste cependant à prouver la nécessité de créer un nouveau salon dans un paysage déjà saturé d’événements!
Alors, oui et je le regrette très sincèrement, mais l’alchimie de cette première édition de GALERISTES restera pour moi un mystère !
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