FRIEZE NEW YORK 2016 : « The show must go on »
- Posted by Béatrice Cotte
- On 24 mai 2016
- Foire Art contemporain, New-York
Cela n’aura échappé à personne, chaque foire s’évertue, à chaque nouvelle édition, de concurrencer les autres avec des performances ou des installations toujours plus « singulières ». Oui, mais voilà, à force de courir après le « show », cela peut parfois tourner au ridicule…J’en veux pour preuve deux propositions de Frieze New York 2016. Afin de fêter ses 25 ans d’existence et sa 5ème édition aux Etats-Unis, la foire a commandé à des artistes, dans le cadre de sa section FRIEZE PROJECTS, neufs projets, dont deux ont fait coulé beaucoup d’encre.
En effet, le bébé hurlant d’Alex Da Corte, réalisé en ballon gonflable monumental, flottant à l’entrée Nord de la Foire, « accueillait » bizarrement le public. Signal ou Mascotte ? l’effet « gadget commercial » de l’œuvre n’a semble-t-il pas convaincu tout le monde, moi la première, je dois l’avouer…
Plus poétique et esthétique était la performance d’Eduardo Navarro, réalisée dans le parc de Randall’s Island par des danseurs habillés de « jupes miroirs », afin de refléter les nuages du ciel, nombreux il faut l’avouer cette semaine là à New-York.
Mais le projet le plus « polémique » a été sans nul doute celui de Maurizio Cattelan, qui consistait à reproduire une œuvre mise en place en 1994 dans la vitrine de la galerie new-yorkaise Daniel Newburg, et qui avait valu à l’époque à cette dernière sa fermeture. Dans un stand protégé, un joli lustre à pampille éclairait un âne, en chair et en os, broutant du foin. L’œuvre intitulée Warning ! Enter at your own risk. Do not touch, do not feed, no smoking, no photographs, no dogs, thank you, a généré, lors de la soirée de vernissage, une queue d’invités, une coupe de champagne à la main, impatients de découvrir L’ŒUVRE de Maurizio. Ce spectacle de foire ou de cirque, à vous de décider, me laissa à vrai dire perplexe. Qui du visiteur ou de l’âne était « bête à manger du foin » ????
Pour peu que le pickpocket professionnel embauché par l’artiste David Horvitz, vous ait glissé une petite œuvre d’art dans votre sac (200 œuvres subrepticement distribuées par jour) et vous aviez gagné le POMPON !
Malgré des propositions artistiques contestables et de nombreux détracteurs, Frieze New-York, reste néanmoins une foire que j’aime visiter.
J’aime l’atmosphère énergique de Frieze NY, sa présentation claire et construite des différentes sections, sa lumière naturelle, le design simple et efficace de la tente serpentine conçue par American team So-Il. Un ensemble de choses qui permet un parcours agréable dans une ambiance aérienne.
C’est une foire sur laquelle on ne fait pas forcément de grandes découvertes, mais qui expose dans l’ensemble des œuvres de qualité et propose une sélection cohérente et équilibrée de galeries internationales établies et émergentes. Le nombre d’exposants est peut-être d’ailleurs un peu trop élevé avec cette année 202 galeries venant de 31 pays.
La foire a attiré pour sa cinquième édition 43 000 visiteurs et commence à s’installer dans le paysage new-yorkais comme une plateforme commerciale signifiante du monde de l’art contemporain. Parmi ses visiteurs, on note un nombre en augmentation de professionnels de l’art. Conservateurs d’institutions publiques ou privées, conseillers en art, commissaires d’expositions, historiens de l’art se sont déplacés du monde entier pour l’événement. Pour la France, on a pu croiser dans les allées, notamment, des représentants du Centre Pompidou, du Palais de Tokyo, du Musée du Louvre et les très courtisées Caroline Bourgeois, commissaire de la Collection Pinault, et Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton.
Pour sa première année à la tête de la direction de Frieze New York, Victoria Siddall et les deux directeurs artistiques, Abby Bangser et Joanna Stella-Sawincka, ont positionnés les sections Frame et Focus, rassemblant les jeunes galeries, au centre de la foire. Rassemblées, mais pas pour autant coupées des stands des galeries établies, puisque ces dernières entouraient les premières et s’intercalaient parmi les stands des différentes sections, donnant à voir parfois des juxtapositions intéressantes d’œuvres entre artistes « stars » et émergents.
Frieze tient à proposer au visiteur un panorama large de la création artistique et notamment des scènes émergentes. Elle soutient et encourage les jeunes et nouvelles galeries à se faire une place dans la place. Pour cela, elle propose des prix de stand adaptés aux moyens financiers des petites et jeunes structures afin de s’assurer leur participation en nombre.
La foire est divisée en plusieurs sections. A travers une sélection d’une vingtaine d’œuvres choisies, je vous propose un aperçu de cet événement.
MAIN SECTION ( 131 galeries – 9 galeries françaises)
La majeure partie de la foire est occupée par les stands des galeries de renoms. Parmi les principaux acteurs du marché, on pouvait remarquer la très belle qualité des pièces d’artistes majeurs exposés par la Galerie Thaddaeus Ropac (Robert Raushenberg, Robert Longo, Georg Baselitz, Erwin Wurm) et la Galerie Skarstedt (Martin Kippenberger, George Condo, Richard Prince). A l’inverse le solo show de Damien Hirst, présenté par la Galerie Gagosian, était caricatural. Une façon peu subtile de sceller une réconciliation entre deux énormes égos du monde de l’art…Plus intéressant en revanche le stand très dynamique de la galerie new-yorkaise Canada, curaté par l’artiste Katherine Bernhard autour d’œuvres d’artistes amis avec lesquelles elle travaillle.
Quelques galeries présentaient des oeuvres d’envergure, comme la Galerie Andrea Rosen et un espace entier consacré à l’artiste canadien David Altmejd, également représenté avec deux autres pièces par la galerie Xavier Hufkens.
Parmi les galeries françaises de cette section, Art concept, Chantal Crousel, Frank Elbaz, Kamel Mennour, Nathalie Obadia, Almine Rech, Perrotin, hormis celui de la Galerie Thaddaeus Ropac, pas de stands vraiment « dingue » à mon goût.
Dans cette section, c’est la galerie Gisela Capitain de Cologne qui a remporté le prix du meilleur stand.
On pouvait noter une forte présence d’artistes féminines, dont celle d’artistes que j’apprécie énormément comme Goshka Macuga (artiste à la une du numéro de Frieze) et de Nicole Eisenman, toutes deux faisant l’objet d’expositions personnelles au New Musem de New York et de Jorinde Voigt, à qui la Galerie David Nolan consacrait un solo show dans son espace de Chelsea.
Parmi les jeunes artistes à suivre, on notait dans cette section, la présence de l’artiste brésilien Paulo Nimer Pjota (1982), artiste repéré en novembre dernier sur Artissima, (voir article), celle de l’artiste Azerbaïdjanais Faig Ahmed (1982) avec une œuvre tissée à la main représentant un tapis traditionnel détourné de sa forme et de sa fonction initiale. Enfin, j’étais heureuse de retrouver le travail de Gareth Nyandoro, né également en 1982 au Zimbabwe, sur le stand de la galerie de Los Angeles Marc Foxx. Son travail découvert quinze jours auparavant sur Art Brussels (Galerie Tiwani Contemporary, Londres), avait été pour moi « LA » découverte de cette foire.
AUTRES OEUVRES SELECTIONNEES DANS LA SECTION MAIN GALLERIES :
SECTION FRAME (18 galeries – 1 française High Art solo show de Valérie Keane)
Cette section dédiée aux galeries de moins de huit ans d’âge, était curatée par Fabian Schöneich et Jacob Proctor. Malheureusement, dans cet espace consacré aux promesses de demain, aucune proposition n’a vraiment retenu mon attention. Notons cependant le prix décerné à la galerie suisse Truth and Consequences pour sa belle présentation du travail du binôme anglo-français Daniel Dewar et Grégory Gicquel.
SECTION FOCUS (33 galeries – 3 galeries françaises Mor Charpentier, Sultana et Triple V)
Dans cette sélection de galeries de moins de douze ans d’existence j’attribue une mention spéciale à Guillaume Sultana pour la justesse et l’élégance de son stand. Pour sa troisième participation à Frieze NY, la galerie belliloise, passait de la section Frame à la section Focus. Autant dire un challenge financier à relever pour cette jeune galerie, puisque les prix du m2 étaient dès lors plus élevés. Heureusement, toutes les œuvres de l’artiste mexicaine Pia Camil et de l’artiste américain Jason Giodano, ont été vendues. Carton plein donc pour la Galerie Sultana. Guillaume, nous confiait qu’ici les affaires étaient rapidement conclues et plus faciles qu’en Europe. Les collectionneurs américains ne posent qu’une question en arrivant sur le stand « how much » et ne s’embarrassent pas de savoir qui ou dans quelles collections est l’artiste ! Une relation à l’art et à l’argent beaucoup plus décomplexée, une énergie positive qui change de l’ambiance morose qui pèse actuellement sur le marché européen…Autant dire que pour Guillaume Sultana, Frieze NY 2016 aura été une bouffée d’oxygène !
SECTION SPOTLIGHT (20 galeries – 1 française)
Cette section, présente des solo show d’artistes de la deuxième moitié du XXème siècle, qui méritent selon les galeries qui les représentent un nouvel éclairage.
Ainsi, 4 jours avant le décès de François Morellet, la Galerie Hervé Bize présentait un magnifique solo show de l’artiste et lui rendait avant l’heure un vibrant hommage.
A noter également sur le stand de la galerie sud-africaine Stevenson, une belle présentation des travaux de l’artiste Mashekwa Langa.
Pour parfaire notre compte-rendu de Frieze NY, signalons également la présence de 3 institutions new-yorkaise (Queens Museum, RxArt & White Columns) qui complétaient la proposition artistique de cette édition 2016.
FRIEZE NEW YORK
RANDALL’S ISLAND PARK
5-8 MAI 2016
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