INDEPENDENT BRUSSELS 2016 – Un état d’esprit à part
- Posted by Béatrice Cotte
- On 27 avril 2016
- Foire Art contemporain
La foire Independent a été lancée en 2010 à New York par deux galeristes Elisabeth Dee et Laura Mitterand (Gavin Brown’s entreprise). Conçue au départ comme un group show, elle a cultivé au fil des ans une image de foire « à part » avec un état d’esprit « autre », qui s’exporte aujourd’hui pour la première fois en Europe à Bruxelles.
Il faut bien dire que la semaine dernière l’excitation était à son comble dans le petit milieu de l’art contemporain quant à la nouvelle venue sur la place ! La Preview de Independent était certainement l’événement de la semaine à ne pas rater. Avec le changement de lieu d’Art Brussels à Tour & Taxis, elle figurait en bonne place parmi les sujets de curiosité les plus discutés entre professionnels et amateurs d’art.
Pourquoi Independent à Bruxelles ?
Depuis ses débuts, la moitié des exposants de Independent sont européens. Afin d’être plus proche de ses galeries européennes, la foire a cherché une ville où pouvoir s’implanter en Europe. Assez naturellement, son choix s’est porté sur Bruxelles, ville qui match parfaitement aujourd’hui avec sa mentalité d’outsider.
La Belgique est un pays qui soutient l’art depuis des siècles, Bruxelles a considérablement évolué sur le plan de l’art contemporain au point d’être devenue ultra dynamique ! De nombreux artistes, galeristes et collectionneurs viennent s’y installer et développer des projets artistiques ou « projects places » originaux. Les propositions et initiatives autour de l’art contemporain s’y multiplient et les musées comme le Wiels participent fortement à cette dynamique. Toutes les conditions semblent réunies à Bruxelles pour installer une foire qui s’inscrit totalement dans l’état d’esprit « entreprenant » et « bouillonnant » qui caractérise aujourd’hui la ville. Independent, ne fonctionnerait probablement pas à Londres ou à Paris qui sont des capitales saturées de foires, alors qu’Art Brussels n’avait pas encore de véritable foire « off » capable de la challenger sur son territoire.
Notons également que cette destination est aussi l’occasion de proposer aux galeries américaines de venir exposer dans une ville qu’elles connaissent moins et de leur ouvrir un nouveau marché.
Qu’est ce qui distingue Independent des autres foires ?
Tout d’abord son équipe, une petite équipe principalement constituée de six personnes. Quatre basées à New-York, Elisabeth Dee, Laura Mitterand, Alix Dana et Matthew Higgs (directeur de White Columns), qui depuis sept ans développent et organisent ce projet sur leur temps libre et deux personnes installées à Bruxelles, Olivier Pesret et Liv Vaisberg, co-directeurs de cette nouvelle mouture. Ces deux derniers venus dans l’équipe d’Independent ont pour mission d’installer durablement la foire dans le paysage belge.
Ce qui caractérise également Independent c’est sa sélection « personnelle » des galeries exposantes. Independent fonctionne comme une « curated fair » dans le sens où les galeries ne se portent pas candidates en remplissant un dossier (généralement payant pour les autres foires du circuit), mais sont invitées par l’équipe dirigeante. Ici pas de comité de sélection, mais une concertation permanente entre les membres de l’équipe qui se laissent la liberté d’inviter jusqu’à la dernière minute une galerie, comme cette année une toute jeune galerie de moins de trois mois d’existence, sollicitée seulement trois semaines avant l’événement. Une certaine liberté de choix, doublée d’une souplesse d’organisation donc.
Independent se définit comme une organisation qui va à la rencontre des galeries, une plateforme qui met tout en œuvre pour que les galeries invitées puissent s’exprimer dans les meilleures conditions et proposer des choses inattendues.
La foire fonctionne autour de « projects spaces » plus que de stands cloisonnés. Chaque galerie propose un projet particulier et parfois en collaboration avec une autre galerie. Cela donne l’occasion de découvrir des propositions originales, que l’on ne voit sur aucune autre foire, comme cette année à Bruxelles le mariage dans un même espace d’objets d’antiquités de la Galerie Cahn International avec des œuvres d’art contemporain de la Galerie Jocelyn Wolff. Un duo inédit qui fonctionnait à merveille !
Depuis sept ans, la foire a invité plus de 120 galeries. Chaque année, elle connaît un fort taux de rotation, car un tiers de ses exposants participent pour la première fois à chaque nouvelle édition. A New York en février dernier, la foire comptait 40 galeries. A Bruxelles pour sa première édition elle en comptait 72, avec beaucoup de stands partagés, de duos et de solo shows. Ce système de « co-working » entre galeries, très encouragé par l’équipe dirigeante, permet des propositions d’autant plus intéressantes. Les espaces peuvent ainsi se jouxter et se marier avec intelligence, comme cette année pour la présentation du travail de Léo Gabin sur un long mur commun réunissant l’espace de ses deux galeries Elisabeth Dee et Peres Projects. Une collaboration entre deux galeries qui se connaissent et fonctionnent en bonne intelligence afin de donner plus de place au travail de l’artiste qu’elles partagent.
En attachant une grande attention à ce genre de « duo » ou d’imbrication des espaces et à une scénographie « ouverte » très travaillée pour une fluidité maximale, Independent assure à chaque édition un bon niveau de qualité et de cohérence, qui la distingue certainement des foires classiques.
Autre particularité de la foire, sa capacité à mixer des galeries très établies avec de toutes jeunes pousses. Pour l’édition de Bruxelles, Independent était donc soutenue par la participation de galeries historiques belges comme Jan Mot ou Micheline Szwajcer, ou par la galeriste Chantal Crousel, qui bien que belge exposait, comme une majorité des exposants de cette first édition, pour la première fois en Belgique !
Sise en plein cœur de la ville dans un bâtiment « défraîchi » mais entièrement réaménagé pour l’occasion en terme d’éclairage et de cloisonnement, la foire se déployait sur cinq étages, avec au dernier étage une jolie petite terrasse avec vue sur les toits de la ville.
A Bruxelles, la foire propose également un autre événement qui s’appelle Independent Regence situé dans le bâtiment de la Régence au 67 rue de la Régence à côté du Palais de Justice où l’on trouve les galeries Jan Mot et Micheline Szwajcer. Sur 600m2, Independent développe une « slow fair » qui dure 6 semaines. La semaine dernière elle a inauguré ce nouveau programme avec une exposition proposée par la Galerie Nature Morte de New Dehli.
Conclusion sur Independent Bruxelles
Si l’on ajoute à tout cela une entrée gratuite et des artistes parfois présents sur les stands, Independent assure des conditions vraiment particulières pour ses visiteurs.
Malgré tous ces efforts notables, Independent a laissé semble-t-il des avis très partagés parmi les professionnels. Certains étaient très enthousiastes, d’autres plus mitigés et je dois avouer faire partie de cette deuxième catégorie. Pourquoi ? parce que, une fois l’excitation du départ retombée, et la nouveauté du lieu et son côté « branché » mis à part, je suis finalement tombée sous le charme d’un nombre limité d’œuvres…Mais, cela étant dit, la première heure de la première édition d’Independent Brussels, restera un « best » de cette semaine de foires à Bruxelles.
Petite sélection d’œuvres :
- Au rez-de-chaussée : Œuvres de Shana Moulton (Galerie Gregor Staiger), artiste actuellement exposée au Palais de Tokyo. Carol Bove et Oscar Murillo chez David Zwirner.
- Au premier étage : Installation « speech bubbles » de Philippe Parreno et sculpture de Jean Tinguely chez Gladstone Gallery, Saâdane Afif chez Medhi Chouakri, peintures de Nicolas Roggy chez Martos Gallery.
- Au deuxième étage : solo show de John Seal chez Gavin’s Brown, Huma bhabha et Harold Ancart réunis chez Clearing, les sculptures « chaises » de Tarik Kiswanson chez Carlier Gebauer.
- Au troisième étage : un très beau Bernard Frize chez Micheline Szwarjcer, une sculpture de Matthew Ronay.
- Au quatrième étage : un masque de Romuald Hazoumé et une sculpture de Joël Andrianomearisoa chez André Magnin.
- Au cinquième étage : une tapisserie de Pae White chez Kaufmann Repetto, le solo show de Rachel de Joode, déjà présenté sur Paris Photo par la galerie Christophe Gaillard et Rikrit Tiravanija chez Chantal Crousel, qui présentait une grande pièce de David Douard, nouveau chouchou des collectionneurs et critiques d’art.
Independent
Vanderborght Building
50 rue de l’Ecuyer
1000 Brussels
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